Rencontres avec Jésus – Jean Baptiste en prison

Illustration : Adaptation numérique d’une peinture de Gérard de Saint-Jean

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers du questionnement de Jean Baptiste en prison.

JEAN BAPTISTE EN PRISON ET S’INTERROGEANT : Matthieu 11, 2-15

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu – Chapitre11

02 Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses disciples et, par eux,

03 lui demanda : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

04 Jésus leur répondit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez :

05 Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle.

06 Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! »

07 Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ?

08 Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois.

09 Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète.

10 C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi.

11 Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui.

12 Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le royaume des Cieux subit la violence, et des violents cherchent à s’en emparer.

13 Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean.

14 Et, si vous voulez bien comprendre, c’est lui, le prophète Élie qui doit venir.

15 Celui qui a des oreilles, qu’il entende !

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

Jean Baptiste est présent dans les Évangiles à plusieurs moments: dans l’enfance de Jésus (Lc 1), comme prêcheur de la conversion et au baptême de Jésus (Mt 3); puis vient son arrestation (Mt 4,12). Dans une chronique l’hiver dernier (Jean le dérangeant : Luc 3, 10-22), nous avons vu Jean le prophète, homme de parole et de la Parole, qui annonce et baptise le Messie. Mais nous arrivons maintenant à une nouvelle étape : en prison, son questionnement sur Jésus. La prochaine et dernière sera son exécution (Mt 14, 1-11).

Jean a fait son travail et il l’a bien fait. Homme du passage vers une vie nouvelle, il a préparé le chemin. Par ses options, il a ouvert la voie à l’accueil de Jésus: l’insistan­ce sur la décision personnelle, l’ouverture aux gens de toute condition, l’affirmation de la priorité du Règne de Dieu. Jésus lui-même, baptisé par Jean, a repris son style et son message au début de son ministère; il s’est inscrit dans sa ligne. Jésus le reconnaît dans ce récit de Matthieu où il exprime son admiration pour le prophète du désert, le plus grand parmi les hommes.

Mais Jean est l’homme du jugement de Dieu qui s’en vient et sera terrible. Les puissants et ceux qui refusent de changer vont passer par le feu. Or, Jésus vient : il parle et il agit d’une toute autre manière. Qu’est-ce qui se passe ? Où est ce Messie tant attendu qui va enfin rétablir le droit ? C’est pourquoi, en prison, Jean en vient à se questionner, à douter de Jésus. « Es-tu celui qui doit venir? » Pourtant, il avait pres­senti que ce Jésus serait le libérateur. Mais il est dérouté par ce que Jésus dit et fait: Jésus souligne la miséricorde et la libération déjà en œuvre, comme sa réponse l’indique, plus que la grande finale des règlements de compte.

La question de Jean face à Jésus rejoint celle de beaucoup de gens aujourd’hui. II y a un attrait mais en même temps un doute. Car Jésus est déroutant et ne correspond pas aux images que nous nous faisons d’un guide religieux ou poli­tique. Il n’irradie pas la force et le contrôle, mais le don et le service. Et même des chrétiens se posent parfois cette ques­tion: faisons-nous fausse route, faut-il chercher ailleurs, chez un autre, le sens à nos vies? Et les autres sont là, disponibles. C’est comme si Jésus lui-même devenait un obstacle, un scandale, pour Jean (comme pour nous) et risquait de le faire dévier de son chemin. Jean espérait un grand nettoyage, et vite. Mais une autre voie se dessine, plus lente, plus compatissante et moins raide que prévue. Par ailleurs, Jésus et Jean seront réunis dans un même sort: ils seront tous deux exécutés car ils dérangent.

En ce temps de l’Avent, Jean le baptiseur, cette figure du seuil, à la croisée des chemins, un pied dans l’ancienne alliance et l’autre dans la nouvelle, peut nous inviter à porter attention à Jésus, à sa singularité et aux signes qu’il accomplit ; à ce qui peut dérouter nos attentes, nous poser question. En quoi Jésus me déroute-t-il moi aussi ? Dans ses paroles, ses actions, sa personne, qu’est-ce qui me laisse songeur, m’invitant à méditer et réfléchir, dans ma cellule intérieure, et à aller plus loin ?

Celui qui doit venir à Noël vient déjà dans nos vies. Sa présence est à l’oeuvre dans ce que nous pouvons entendre et voir: des yeux qui s’ouvrent, des pieds qui se mettent en marche, des exclus qui se retrouvent au centre, des oreilles qui se met­tent à entendre, des coeurs qui battent à nouveau. Ces signes que Jésus mentionne, quels sont-ils aujourd’hui, au proche ou au lointain de mon univers personnel et social?

Jean envoie ses disciples poser une question radicale à Jésus : Es-tu Celui … Dans l’histoire, certains des disciples de Jean ont répondu à sa question d’une autre manière que les deux (Jn 1,35-37), dont André, qui ont suivi Jésus. Ils ont répondu que Jésus n’était pas Celui qui devait venir; et ils sont demeurés fidèles à Jean Baptiste. Ce mouvement religieux existe toujours. Les Mandéens (ou Sabéens) ont traversé les siècles, vêtus de blancs pour leurs rites baptismaux, menant une vie communautaire et près de cours d’eau, dans la reconnaissance de Jean, et non pas Jésus, comme l’Envoyé de Dieu. On les retrouve en Irak et en Iran. Pacifistes, ils ont été persécutés et dispersés durant les dernières décennies. Finalement, la voix de Jean Baptiste se fait encore entendre : elle continue de déranger et de poser question …

Images

Jean Baptiste est très présent tout au long de l’histoire de l’art chrétien (cf. chronique mentionnée) : de l’enfance au baptême de Jésus, en passant par sa prédication, puis avec sa mort suite au banquet d’Hérode; sans compter sa figure individuelle en plusieurs arts visuels, ou avec Marie aux pieds de la croix, les deux annonçant et préparant la venue du Messie et de l’Alliance nouvelle.

Mais qu’en est-il plus spécifiquement de la figure de Jean en prison, comme dans ce texte? On trouve cette scène surtout au Moyen Âge, ainsi qu’aux 16e-17e siècles. Jean Baptiste est patron de plusieurs églises, édifices et cités, d’où des séries sur sa vie, incluant son arrestation. On y voit Jean-Baptiste derrière des barreaux, ses disciples avec qui il converse, des soldats. Parfois il est seul. L’édifice peut être plus ou moins élaboré.

Voici quelques œuvres, surtout des périodes indiquées.

  1. Herrade de Landsberg, c.1175-1185, Flabellum of Hohenbourg, f.1dv, British Museum, Londres, Angleterre. Ce parchemin provient de la même auteure que le manuscrit Hortus deliciarum (Le jardin des délices), c.1170-75, œuvre d’Herrade de Landsberg, abbesse du monastère d’Hohenbourg (Mont St-Odile), et première encyclopédie réalisée (textes et dessins) par une femme. Le Flabellum comprend huit tableaux de la vie de Jean Baptiste. Il est considéré comme un ajout à Hortus deliciarum. Ici, nous voyons Jean nimbé, poussé en prison ou accompagné de disciples; puis assis et méditatif dans sa cellule, derrière les barreaux.
  1. Mosaïques, c.1280, coupole, Baptistère Saint-Jean-Baptiste, Florence, Italie. Ce baptistère a été inauguré en 1128; il est rempli d’œuvres médiévales et renaissantes. Jean Baptiste est le saint patron de la ville de Florence. Plusieurs artistes ont contribué à ces quinze mosaïques sur la vie de Jean Baptiste, dont Cimabue. Celles-ci (9 et 10) sont attribuées, mais de façon incertaine, à Gaddo Gaddi, mosaïste et peintre de Florence, de style gothique. On voit Jean Baptiste emprisonné, sous la garde de soldats; puis, avec un texte en main gauche, envoyant ses disciples. Deux possibilités se présentent pour cet envoi. Ils sont nimbés (possiblement André et Jean); alors ils ne vont pas questionner Jésus mais font une visite amicale à leur ex-maître. Ou simplement, les disciples de Jean partagent son auréole; et ils vont aller questionner Jésus.
  1. Andrea Pisano, bronzes, 1330-36, porte sud, Baptistère Saint-Jean-Baptiste, Florence, Italie. Cette porte comprend 28 bronzes, dont 20 scènes de la vie de Jean Baptiste et les 8 vertus, cardinales et théologales. Pisano est un orfèvre et sculpteur, aussi un architecte, influencé par Giotto et Duccio et le gothique français. Il a travaillé six ans sur cette porte. Ces deux bronzes (nos 12 et 13) montrent : à gauche, Jean conduit en prison, avec des gardes, la grille est levée; à droite, Jean visité par ses disciples, la grille est fermée.
  1. Giusto de Menabuoi, fresque, c.1378, Baptistère Saint-Jean-Baptiste, Cathédrale de Padoue, Italie. Originaire de Florence et marqué par Giotto, cet artiste a travaillé à Padoue. Ce baptistère du 14e siècle, dédié à saint Jean Baptiste, inclut un cycle de fresques sur sa vie. Dans celle-ci, Jean, derrière les barreaux, donne ses consignes à ses deux disciples qu’il envoie questionner Jésus.
  1. Giovanni di Paolo, 1455-60, Art Institute of Chicago, États-Unis. Ce peintre de Sienne, influencé par le gothique international, a aussi été miniaturiste et a illustré des manuscrits. Il avait un intérêt pour la nature, les plantes et animaux. Il a fait plusieurs retables, avec prédelles, dont les panneaux ont été séparés et dispersés. Cette œuvre faisait partie d’une prédelle sur la vie de Jean Baptiste. La perspective et l’architecture sont développés. Jean, emprisonné, s’adresse à deux disciples, dont l’un est éploré. Deux figures sont à l’arrière. Un animal est bien installé à l’avant, mais enchainé; avec possibilité d’une autre chaîne à gauche.
  1. Juan Fernandez Navarrette, 1565-1570, Musée de l’Ermitage. Saint-Pétersbourg, Russie. Ce peintre espagnol était sourd-muet; jeune, il a appris à s’exprimer par le dessin. Il a été élève du Titien à Venise. Puis il a travaillé pour la famille royale d’Espagne, à l’Escorial. Il a fait plusieurs séjours en Italie. Ce Jean Baptiste en prison est costaud, différent de l’ascète souvent décharné. Ses mains sont attachées et il médite devant une croix.
  1. Simao Rodrigues, c.1600-1625, Musée National d’Antigua & Barbuda, St.John’s, Antigua. Cet artiste portugais, actif à Lisbonne, fut engagé dans le courant de la Contre-Réforme; il fut lié aux Jésuites présents aux Indes et en Angola. Cette œuvre fait partie d’une série de quatre tableaux sur la vie de Jean Baptiste (naissance, prédication à Hérode, prison, décapitation). À droite, dans la scène de prison, Jean envoie ses disciples; des soldats sont présents. À gauche, on voit les deux disciples qui transmettent la question à Jésus; Jésus leur répond par son geste montrant les gens autour de lui. Tous les éléments du texte sont visuellement inclus, avec précision.  
  1. Mattia Preti, fresque, 1661-1666, Co-Cathédrale Saint-Jean-Baptiste, La Vallette, Malte. Originaire de la Calabre et formé dans les courants caravagesque et baroque, Preti a travaillé à Rome et Naples. Mais surtout à Malte, où il fut le peintre officiel de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, dont il devint membre. Il a peint de nombreuses fresques à la voute de la cathédrale, sur une période de cinq ans. C’est dans un oratoire de cette église que se trouve l’œuvre maitresse, ou la plus estimée, du Caravage, qui fut brièvement membre de l’Ordre : La décollation de saint Jean Baptiste (1608). Dans la fresque, Jean se trouve en un cachot plus dégagé et s’adresse à deux disciples fervents.
  1. Claude-Noël Thévenin, 1837, Cathédrale Saint-Pierre, Ville de Saint-Flour, France. Ce peintre de l’Isère a été à Paris l’élève d’Abel de Pujol, du courant néoclassique. Il s’est consacré à la peinture historique et religieuse. Cette cathédrale du diocèse (1317) de Saint-Flour est une église gothique du 15e siècle. Jean Baptiste est en prison. Thévenin met ensemble le début et la fin de son ministère. Les attributs habituels de Jean sont là : la peau de chameau, le bâton-croix du précurseur, l’agneau qu’il a désigné (Voici l’agneau de Dieu, Jn 1,36). Mais sa mort imminente est annoncée : le bourreau arrive avec la hache et un plat, le juge avec la sentence, la fille d’Hérodiade et une servante pour apporter sa tête. Jean est en prière, tourné vers Dieu; mission accomplie.
  1. Berna, 2019, site evangile-et-peinture.org, Suisse.  Comme Bernadette Lopez fait le tour du cycle liturgique pour illustrer les évangiles, elle a mis en image Jean Baptiste en prison (Année A, 3e dimanche de l’Avent). Il est plus rare de trouver des œuvres récentes pour cette scène. Jean est seul, assis et méditant. Il est entouré des couleurs de l’Avent, avec une fenêtre de lumière. Avec lui, nous pouvons prendre un temps pour faire le point et entrer en attente …

Daniel Cadrin, o.p.


Dessin à tracer et à colorier

Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, librement inspiré d’une peinture de Gérard de Saint-Jean.

Rencontres avec Jésus – Matthieu

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers de l’appel de Matthieu!

LA VOCATION DE MATTHIEU LE PUBLICAIN : Mt 9, 9-13

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu – Chapitre 9

09 Jésus partit de là et vit, en passant, un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de collecteur d’impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit.

10 Comme Jésus était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) et beaucoup de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples.

11 Voyant cela, les pharisiens disaient à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? »

12 Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades.

13 Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

La nouvelle année liturgique va commencer avec l’Avent. Ce sera l’année de l’Évangile selon Matthieu. Allons voir le récit de l’appel de Matthieu, un des Douze apôtres (envoyés). Appeler en latin se dit vocare, d’où le mot vocation. Un récit de vocation nous montre les origines de l’engagement d’une personne dans une mission (un envoi). Par quoi cela débute-t-il? On pourrait s’attendre à ce que l’appel de Jésus soit l’élément déclencheur. Cet appel est bien présent, mais tout commence d’abord par autre chose : par le regard de Jésus. ll voit cet homme qui a un nom, Matthieu, qui n’est pas anonyme. Il voit cet homme, comme il est, avec sa quête et ses attentes, ses dons et ses blessures. Un homme, en plus, qui a un métier mal réputé, celui de publicain, collecteur d’impôt, qui en fait un pécheur public, comme Zachée. Mais Jésus le voit; il voit en lui plus que Matthieu et les autres ne peuvent voir; et il l’appelle à le suivre. Ce regard de Jésus revient tout au long des évangiles; c’est un fil conducteur auquel il est inspirant de porter attention.

Jésus voit Matthieu et il va le chercher en plein coeur de son activité, assis à son bureau. Non dans une expérience étrange, un lieu bizarre, ou des circonstances extraordinaires. Mais simplement au beau milieu de son travail quotidien. C’est là que Jésus le voit, c’est là que l’appel se fait entendre. C’est là qu’il continue de se faire entendre aujourd’hui. C’est là que des regards nous voient, des voix nous appellent, nous interpellent, visages du Christ vivant qui continuent d’appeler des personnes à le suivre. Quels que soient notre situation, notre métier, nos origines, notre récit de vie. Un nouveau chapitre s’y inscrit : notre récit de vocation.

Qu’est-ce qui arrive ensuite à Matthieu? Deux dynamiques, assez différentes mais liées, vont se mettre en mouvement et changer la vie de Matthieu. Il se lève et suit Jésus. Matthieu vit une rupture : il quitte des lieux, des relations, des activités pour suivre Jésus. Il change de position, il n’est plus assis mais debout et en marche. Il quitte son univers immédiat pour entrer dans le monde de Jésus, pour devenir son disciple, marcher à sa suite.

Mais autre chose advient, qui est aussi transformateur : Jésus entre dans le monde de Matthieu. Jésus et ses disciples vont manger dans la maison de Matthieu, ils vont chez lui. Jésus et sa communauté entrent dans l’univers de Matthieu, dans son monde personnel, son réseau de relations, avec ses gens pas corrects, exclus. Devenir disciple de Jésus, c’est non seulement laisser des réalités pour nous déplacer vers lui. C’est laisser entrer Jésus dans notre monde à nous, l’y inviter, dans notre maison comme elle est, avec ses marges, ses péchés, ses difficultés; le laisser entrer dans notre monde pour qu’il soit source de vie nouvelle.

Quand Jésus entre dans une maison, il brise des frontières et il rapproche des gens. Suivre le Christ, c’est vivre des ruptures et, en même temps, c’est vivre des nouvelles intégrations et permettre au Christ vivant d’être partagé avec d’autres dans notre univers. Mais cela surprend, cela dérange les scribes. Jésus leur répond qu’il est venu non pour les bien- portants mais les malades. Et il ajoute une citation du prophète Osée (6,6) qui dit l’essentiel : c’est la miséricorde que je veux.

Cette citation donne une clef pour toute vocation, dans ses débuts et ses continuités, dans son défi de fidélité : tout au long de la vie, la vocation est une affaire de miséricorde. Vocation de laïque, de religieux, de prêtre, de célibataire ou de couple; mission au service de la Parole, de la Justice, de la Fraternité, de la Beauté ou de la Célébration. Une miséricorde, découverte, accueillie, perdue et retrouvée, au fil des jours et des années. Une miséricorde qui nous appelle à nous lever, à laisser notre monde immédiat, mais une miséricorde aussi qu’il faut laisser entrer dans notre maison pour qu’elle vienne nous visiter et être une source de questionnement et de vie nouvelle. Une miséricorde qui vient du Dieu vivant et que le visage de Jésus, sa personne et son mystère, vient révéler au plus intime de nos vies.

Chez les Dominicains, quand nous faisons notre profession religieuse, cet acte de don de soi qui nous engage, la première question qu’on nous pose est celle-ci : Que demandez-vous? Et nous répondons : La miséricorde de Dieu et la vôtre. C’est la première chose à demander et recevoir; et aussi à redemander et accueillir toute notre vie, pour que le récit de notre vocation se poursuive, d’une année à l’autre, de commencements en recommencements.

Images

Dans l’iconographie, cette scène est présente aux diverses époques mais particulièrement aux 16e – 17e siècles. Comme elle se passe au bureau de travail de Matthieu, elle offre la possibilité de présenter ce lieu de façon plus ou moins détaillée, avec ses objets et son environnement. Les deux figures centrales sont Jésus et Matthieu, mais on y ajoute d’autres personnages : des collègues de travail, des clients, des curieux, des disciples, des serviteurs; parfois un chien assiste à la scène.

Jésus appelle Matthieu et celui-ci répond à l’appel. Cela suppose une interaction entre les deux, que l’artiste peut faire ressortir de diverses manières : par le regard de l’un et l’autre, par la main étendue de Jésus et celle tournée vers soi de Matthieu, par un geste de Matthieu (se lever, se déplacer). La deuxième partie du récit, le repas chez Matthieu, est moins montrée mais n’est pas absente, même si elle n’est pas incluse dans cette chronique.

Voici quelques œuvres, majoritairement des 16e -17e siècles et dont certaines proviennent de la région Pays-Bas et Flandre.

  1. Miniature, c. 980, Codex Egberti, Bibliothèque municipale de Trèves, Allemagne. Les 51 miniatures de ce manuscrit ont été réalisées par des moines de l’abbaye bénédictine de Reichenau pour l’archevêque de Trèves, Egbert. Matthieu est assis à son bureau, avec une balance pour calculer. Jésus, nimbé et jeune, selon le modèle antique, l’appelle en tendant la main vers lui; son autre main tient le livre de la Parole. Il est accompagné de Pierre et André.
  1. Orcagna (Andrea di Cione), 1367-1368, Galleria degli Uffizi, Florence, Italie. Élève de Giotto, ce peintre et sculpteur, mosaïste et architecte, est à son époque l’artiste majeur de Florence. Il a commencé cette œuvre en 1367 et il est mort l’année suivante; c’était une commande de la Guilde des changeurs de monnaie, dont Matthieu est le saint patron. Elle a été continuée par son frère, Jacopo di Cione. Elle comprend trois panneaux présentant quatre scènes de la vie de Mathieu, dont celle-ci. Jésus, tenant en main le livre de la Parole, est accompagné de quatre disciples, dont Pierre en tête (avec la clef). Il a appelé Matthieu qui quitte son bureau pour le suivre.
  1. Vittore Carpacio, 1502, Scuola di San Giorgio degli Schiavoni, Venise, Italie. Élève de Gentile Bellini, ce peintre fut lui aussi, à son époque, un artiste majeur de sa ville, Venise. Il est marqué par l’art flamand, avec son attention aux scènes de la vie quotidienne. La scène se passe à l’extérieur. Les édifices et paysages sont ceux de Venise et sa région. La foule est compacte. Matthieu, bien vêtu, prend la main de Jésus, dont Pierre et Jean sont proches.
  1. Cornelis Engebrechtsz, c.1515, Gemäldgalerie, Berlin, Allemagne. Ce peintre néerlandais, formé à Bruxelles et Anvers, a vécu et travaillé à Leyden. Il a formé plusieurs artistes. Il se situe dans la tradition de l’art flamand, avec ses scènes de genre et son sens des détails. Il fut un des premiers à utiliser l’huile. D’un côté, on voit Jésus avec plusieurs disciples. De l’autre, Matthieu dans son bureau, avec ses assistants et les objets pour son travail. Il se lève : il va quitter ce monde pour rejoindre l’autre côté. Le petit chien le suivra-t-il?
  1. Marinus van Reymerswaele, 1530, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid, Espagne. Cet autre peintre néerlandais a été influencé par Quentin Metsys et Albert Dürer. Il s’est spécialisé dans les scènes de genre avec collecteurs d’impôt, changeurs de monnaie. Dans celle-ci, on voit les documents qui s’empilent, à droite, en haut et en bas. Les mains de Jésus et de Matthieu sont peintes avec finesse. Au centre en haut, dans le cadre, sont écrites les références pour ce récit dans les Évangiles, ce qui est pratique!
  1. Le Caravage, 1600, Chapelle Contarelli, Église Saint-Louis-des-Français, Rome, Italie. Cette oeuvre est l’une des peintures les plus célèbres au monde. Matthieu ne peut pas se plaindre! Pour l’avoir vue plusieurs fois, et de près, je peux dire qu’elle est vraiment très impressionnante. Dans la chapelle, se trouvent aussi deux autres œuvres du Caravage sur la vie de Matthieu : son inspiration et son martyr. La main de Jésus désigne et appelle Matthieu, assis à son bureau. La lumière suit ce mouvement. Par sa main tournée vers lui-même, Matthieu dit : c’est bien moi? De l’autre main, il tient encore l’argent. Nous sommes au début de l’appel. Deux jeunes hommes élégants sont au centre, autour de la table; un plus âgé à gauche, avec lunettes. Pierre est devant Jésus : comme médiateur ou s’interposant? Les interprétations ont circulé. Contrairement aux autres, Jésus et Pierre n’ont pas de chaussures. Dans une œuvre de sa dernière année (1609), Le Caravage reprend la main tendue : elle appelle Lazare à la vie, de façon saisissante (cf. chronique Marthe et Lazare : croire et ressusciter).
  1. Hendrick Terbruggen, 1618-1619, Musée d‘art moderne André Malraux, Le Havre, France. Peintre néerlandais d’Utrecht, il a séjourné dix ans à Rome où il a pris contact avec les œuvres du Caravage, dont il est devenu picturalement un disciple. Il s’installe par la suite à Utrecht. Marqué par le clair-obscur, le sens dramatique et le réalisme, il demeure toutefois un créateur original qui sera admiré de Rubens et Rembrandt. Ici, comme chez Caravage, mais du côté gauche, le Christ étend la main vers Matthieu, à la table, qui tourne une main vers lui-même et tient l’argent de l’autre. Pierre est derrière Jésus. Un jeune homme élégant est assis au centre; en parallèle, à sa droite, un vieil homme à lunettes. Au fond, des papiers sont accrochés au mur.
  1. Jacob van Oost, 1641, Groeningemuseum, Bruges, Belgique. Ce peintre flamand de Bruges a séjourné cinq ans à Rome. Il revient à Bruges dont il devient le peintre majeur à son époque. Il est influencé par Le Caravage et par Van Dyck. Le Christ intervient à gauche; il est au niveau de la rue. Le jeune élégant, en rouge comme lui, semble sur le point de se lever : est-il Matthieu? Ce serait plutôt l’homme plus âgé en noir, à la table, qui regarde le Christ et tourne la main vers lui-même, comme dans les œuvres qui précèdent. Plusieurs figures féminines sont présentes; celle de droite nous regarde.
  1. Juan de Pareja, 1661, Musée du Prado, Madrid, Espagne. Ce métis de Malacca, fils d’une esclave et d’un espagnol, fut l’esclave du grand peintre Diego Velasquez, qui en avait hérité de sa tante et qui l’affranchit en 1650. Il travailla dans son atelier et devint son assistant. Il acquit une maitrise picturale, comme cette œuvre le montre. Matthieu, assis à table, main tournée vers lui-même, est à côté du Christ debout. La scène est animée, plusieurs personnages sont présents : clients, assistants, serviteurs, disciples. À gauche, debout et tenant un papier, l’artiste s’est placé, reconnaissable grâce au portrait qu’en a fait Velasquez (1649); il nous regarde.
  1. Alexandre Bida, 1873, dessins, Les Saints Évangiles, Hachette et Cie, Paris, France. Né à Toulouse, élève de Delacroix, ce peintre orientaliste a voyagé et séjourné en plusieurs pays du Moyen-Orient. Il a aussi illustré la Bible. La scène se passe dans la rue, dont les édifices et installations sont présentés avec précision. Jésus, accompagné de quelques disciples, appelle Matthieu à le suivre. Celui-ci a ouvert la porte de son bureau; il est en sortie.
  1. William Hole, 1906, The Life of Jesus of Nazareth: Eighty Pictures, London, Eyre & Spottiswoode, Angleterre. Ce peintre et graveur écossais, qui s’inscrit dans le courant préraphaélite, a illustré la Bible. Il a voyagé en Terre Sainte et il est très attentif au paysage et au contexte. La scène est très vivante, elle se passe à Capharnaüm, au bord du Lac de Galilée. On voit les barques de pêcheurs et diverses activités; un soldat romain est présent. Jésus rejoint Matthieu en plein travail; celui-ci, à sa table, se lève et regarde Jésus.
  1. Jorge Santana, 2017, site musesquare.com, Mexique. Cet artiste mexicain reprend des œuvres existantes et les transforme en utilisant des technologies numériques. Il en retravaille des parties pour accentuer un aspect, le présenter dans un autre style, ou montrer ce qu’il peut cacher. Cette œuvre-ci, qui reprend celle du Caravage, est de très grand format. À l’ère numérique, l’appel à suivre Jésus peut résonner encore, sous d’autres voix et formes…

Daniel Cadrin, o.p.


Dessin à tracer et à colorier

Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, librement inspiré de peintures traditionnelles.


Rencontres avec Jésus – La pécheresse pardonnée

Une réinterprétation numérique, librement inspirée d’une peinture de Dirk Bouts

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers de la pécheresse pardonnée!

LA PÉCHERESSE PARDONNÉE ET AIMANTE : Luc 7, 36 – 8,3

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc – Chapitre 7

36 Un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table.

37 Survint une femme de la ville, une pécheresse. Ayant appris que Jésus était attablé dans la maison du pharisien, elle avait apporté un flacon d’albâtre contenant un parfum.

38 Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, près de ses pieds, et elle se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et répandait sur eux le parfum.

39 En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. »

40 Jésus, prenant la parole, lui dit : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. – Parle, Maître. »

41 Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d’argent, l’autre cinquante.

42 Comme ni l’un ni l’autre ne pouvait les lui rembourser, il en fit grâce à tous deux. Lequel des deux l’aimera davantage ? »

43 Simon répondit : « Je suppose que c’est celui à qui on a fait grâce de la plus grande dette. – Tu as raison », lui dit Jésus.

44 Il se tourna vers la femme et dit à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas versé de l’eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux.

45 Tu ne m’as pas embrassé ; elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé d’embrasser mes pieds.

46 Tu n’as pas fait d’onction sur ma tête ; elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds.

47 Voilà pourquoi je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. »

48 Il dit alors à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. »

49 Les convives se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme, qui va jusqu’à pardonner les péchés ? »

50 Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix ! »

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc – Chapitre 8

01 Ensuite, il arriva que Jésus, passant à travers villes et villages, proclamait et annonçait la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Les Douze l’accompagnaient,

02 ainsi que des femmes qui avaient été guéries de maladies et d’esprits mauvais : Marie, appelée Madeleine, de laquelle étaient sortis sept démons,

03 Jeanne, femme de Kouza, intendant d’Hérode, Suzanne, et beaucoup d’autres, qui les servaient en prenant sur leurs ressources.

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

Nous nous retrouvons avec Jésus dans une maison et pour un repas, en un lieu et un temps de rencontres, de partage convivial. Jésus va manger chez un pharisien qui l’a invité. Cela permet de réajuster notre image des relations de Jésus avec les pharisiens, influencée par Matthieu. Luc en fait un portrait plus nuancé : Jésus les fréquente (7,36; 11,37; 14,1) et certains étaient bien disposés envers lui (13,31).

Voici que le repas est troublé par l’arrivée d’une femme qui pose envers Jésus les gestes de l’hospitalité, avec ferveur. Jésus se laisse accueillir. Le pharisien en est choqué car cette femme est connue publiquement comme une pécheresse. Comment un homme religieux peut-il se laisser toucher par une impure?

Quel est le péché de cette femme, qui n’a pas de nom? Ce n’est pas indiqué. Jésus voit cette femme autrement que son hôte. Il ne dit pas d’abord à celui-ci que son regard n’est pas juste. Par une parabole, il l’invite à sortir de son cadre habituel de pensée, à regarder cette femme d’une manière plus profonde. La parabole sur la remise des dettes parle du pardon gracieux de Dieu et de ses fruits. La question de Jésus pose l’enjeu : qui aime le plus? La réponse du pharisien indique qu’il a bien saisi. Jésus fait ensuite les liens entre l’événement, les gestes de la femme, et la petite parabole, bien frappée. Le pardon transforme les personnes, il les rend capables d’aimer davantage.

Cette femme montre beaucoup d’amour envers Jésus. C’est qu’elle a reçu un grand pardon. Ses gestes témoignent de cette transformation qu’elle a vécue par le pardon. On interprète parfois ce récit dans le sens contraire : si elle est pardonnée, c’est parce que, auparavant, elle a beaucoup aimé. Mais ce n’est pas ce que dit la parabole, ni le commentaire de Jésus. Son hospitalité fervente est le fruit du pardon et non sa cause. Cette femme a confiance en Jésus, elle ose s’en approcher pour exprimer sa reconnaissance. Comme bien d’autres femmes dans les Évangiles, ce que Luc souligne.

Après la maison, nous reprenons la route de la mission (8,1) avec Jésus et ses disciples, pour proclamer le Règne de Dieu. Un groupe de femmes accompagne Jésus. Il était très rare à l’époque qu’un Maître soit ainsi entouré; Jésus n’est pas prisonnier des conformismes de son milieu. Plusieurs de ces femmes, fidèlement, se retrouveront au pied de la croix et au tombeau; elles accompagneront Jésus jusqu’au bout. Elles étaient probablement connues des premiers chrétiens, des lecteurs de Luc. On voit aussi que Jésus ne vit pas de l’air du temps : il est financièrement soutenu par ce groupe. L’une d’elles, Jeanne, vient de la haute société.

La fameuse Marie de Magdala est mentionnée : rien ne dit qu’elle est la femme sans nom présente au repas, ni qu’elle est pécheresse. Elle a été libérée de sept démons, ce qui indique plutôt une maladie grave. Luc dit de Jésus que les gens viennent à lui « pour l’entendre et se faire guérir de leurs maladies ; ceux qui étaient affligés d’esprits impurs étaient guéris » (6,18). « Jésus guérit beaucoup de gens de maladies, d’infirmités et d’esprits mauvais. » (7,21). En lien à ces esprits ou démons, Jésus guérit un enfant convulsé (9,42), un muet (11,14), une femme courbée (13,11). Ces guérisons ou libérations n’indiquent pas une position morale, une condition pécheresse.

Dans les autres onctions de Jésus, celle chez Simon le lépreux à Béthanie par une femme anonyme, sur la tête (Mt 26, 6-13; Mc 14, 3-9) et celle chez Marthe et Lazare à Béthanie par leur sœur Marie (Jn12, 1-8, cf. chronique précédente), l’enjeu est l’annonce de la Passion de Jésus et le gaspillage. Rien de tel en Luc 7 : il s’agit de pardon et d’amour.

Jésus se fait présent à un pharisien et à une pécheresse et les invite à une vie nouvelle, chacun à sa manière. Homme des rencontres, il fait rayonner la miséricorde de Dieu par-delà les frontières. Il est la visite de Dieu parmi son peuple, une visite qui réjouit et relance dans l’espérance : Va en paix. Où suis-je dans ce récit? Quel appel me fait-il entendre? Sûrement, à redécouvrir le pardon, à l’accueillir avec sa puissance libératrice et à porter des fruits de reconnaissance. Quel pardon reçu ou donné, dans ma vie, a été source de relèvement et d’amour, pour d’autres, pour moi?

La rencontre de grâce peut prendre des formes ordinaires ou plus inattendues : une parole qui m’encourage, un geste qui me relève, un courriel qui me touche, une image qui m’éveille, une célébration qui me pacifie, une rencontre qui m’engage, … Un signe de cette visite est clair : j’ai le goût d’accueillir et d’aimer davantage.

Images

L’onction de Jésus par une femme est racontée de manière différente dans les quatre évangiles (cf. chronique précédente sur Marie de Béthanie). Dans l’iconographie, abondante et de toutes les époques, les récits se sont emmêlés les uns aux autres. Celui de Luc 7 a des traits particuliers : la scène se passe dans la maison d’un Pharisien, dans le cadre d’un repas avec invités; la femme est connue comme une pécheresse; elle oint les pieds de Jésus et non la tête. La clé du récit est donnée par une parabole.

Cette scène plus spécifique, avec la pécheresse, est particulièrement populaire depuis le 16e siècle. Un repas festif chez un notable, des invités bien respectables, et une femme pécheresse aux longs cheveux, c’est très intéressant pour des peintres. Par ailleurs, la parabole est évincée : on n’en trouve pas trace.

  1. Dieric Bouts, c.1440-1445, Gemäldegalerie, Berlin, Allemagne. Ce peintre néerlandais, originaire de Haarlem, a travaillé à Louvain dont il fut nommé peintre officiel en 1468. Il est réputé pour son développement de la perspective. Dans cette œuvre de jeunesse, à gauche, on voit la femme avec son flacon, aux pieds de Jésus qu’elle essuie de ses cheveux. À la table : Jésus bénissant, le Pharisien s’interrogeant, Pierre surpris ou choqué, Jean pointant du doigt. À droite, près d’une fenêtre, un moine en blanc, probablement chartreux : le commanditaire de l’œuvre. À gauche, un balcon avec paysage; sur la table, du pain et des poissons; le plancher offre un carrelage géométrique. Le Pharisien est le seul qui porte des chaussures.
  1. Paolo Véronèse, c.1567-1570, Pinacothèque de Brera, Milan, Italie. Né et formé à Vérone, comme son surnom l’indique, il s’installe à Venise en 1553, dont il deviendra un grand nom comme Titien. Sa maitrise des couleurs et des formes et la vivacité de ses personnages se retrouvent dans ses scènes de banquet à Cana, à Emmaüs, à Béthanie, chez Levi. Celle-ci est moins réussie; mais là aussi, l’architecture est développée et les figurants sont nombreux, incluant enfants, serviteurs et animaux. La scène est actualisée dans l’univers vénitien. À gauche, Jésus avec ses disciples et la femme; devant lui, le Pharisien.
  1. Peter Paul Rubens, c.1618-1620, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg, Russie. Peintre flamand, formé à Anvers, Rubens a voyage en Italie et a intégré l’art italien, comme celui de Véronèse. Il s’installe à Anvers d’où il rayonne par ses oeuvres religieuses et mythologiques, ses paysages et portraits. Ses personnages sont bien en chair, son style est vigoureux. Il travaille aussi comme diplomate. Il a influencé la suite de l’histoire de l’art. Jésus à droite parle au Pharisien à gauche, qui l’écoute avec attention. La femme, agenouillée et recueillie, est au centre, entre les deux. Les visages des invités à table sont très expressifs. Les serviteurs sont debout avec des plateaux. Au fond, une ouverture sur un ciel avec des nuages.
  1. Philippe de Champaigne, c.1656, Musée des Beaux-Arts de Nantes, France. Né et formé à Bruxelles, il s’installe en France et y travaille pour la famille royale et le cardinal Richelieu. Influencé par Rubens, il s’inscrit dans le style classique du 17e siècle, comme Poussin. Ses portraits sont célèbres. Il est proche du courant janséniste. L’espace architectural est très construit. Jésus, à gauche, montre la femme à ses pieds, recueillie, et explique son geste au Pharisien à droite. Chaque personnage a une expression différente. Au fond, un rideau entrouvert et une figure qui regarde la scène.
  1. Pierre Subleyras, 1737, Musée du Louvre, Paris, France. Ce peintre français, formé à Toulouse et Paris, a reçu le Prix de Rome en 1727 et s’y est installé. Influencé par Véronèse, à l’évidence, et aussi par Poussin, il a réalisé plusieurs œuvres religieuses. Voici le repas de fête, avec invités et serviteurs, table et vêtements, éléments d’architecture, dans une composition vivante et harmonieuse. Étonnamment, Jésus est à gauche, tourné vers la femme et non les convives. Discute-t-il avec Simon, derrière lui?
  1. Giovanni Domenico Tiepolo, 1752, Staatsgalerie, Würzburg, Allemagne. Ce peintre a poursuivi l’héritage baroque de son père, Giovanni Battista Tiepolo, peintre italien le plus important du 18e. On y retrouve le sens des couleurs et du mouvement, la vivacité et la finesse. Un Christ plutôt jeune, proche de celui de l’Antiquité, explique le geste de la femme, concentrée et près de lui, à une masse d’hommes assez âgés et peu amènes. Pierre et Jean sont proches. Le Pharisien, de dos, est seul à son côté de table; on ne voit pas sa réaction.
  1. Jean Béraud, 1891, Musée d’Orsay, Paris, France. Ce peintre français, né à Saint-Pétersbourg, a réalisé plusieurs portraits et fut proche de figures connues de l’époque. Ses scènes de la vie parisienne montrent la bourgeoisie avec précision et une certaine ironie. Voici un groupe d’hommes habillés de noir. Simon le Pharisien préside la table au centre, avec une serviette au cou. Jésus, en blanc et noir, comme la servante à droite, explique le sens du geste de la femme. Celle-ci, en blanc, est étendue au sol. Le contraste est saisissant. Chaque personnage est une figure publique précise de l’époque : ainsi l’écrivain rationaliste Ernest Renan (Simon le Pharisien), le militant socialiste Antoine Duc-Quercy (le Christ), la courtisane et danseuse Anne-Marie Liane de Pougy (la femme), et d’autres comme l’historien Hippolyte Taine, le romancier Alexandre Dumas fils, et Jean Béraud lui-même. Cette actualisation des personnages suscita de vives réactions! L’interprétation de l’œuvre est demeurée controversée.
  1. Arthur Ernst Becher, 1954, site imagesforjesus.com, États-Unis. Cet illustrateur américain, né en Allemagne, a travaillé pour plusieurs grands magazines et éditeurs. Il a aussi réalisé des scènes bibliques. Ici, Jésus échange avec le Pharisien qui prend la parole. Ils sont installés sur des divans pour un repas festif, avec quelques invités, dans une belle maison ouvrant sur un paysage. La femme est aux pieds de Jésus. Un serviteur apporte un plat. L’accent est sur la contextualisation de la scène.
  1. Mosaïque, c. 1970-1990, église supérieure, Basilique de l’Annonciation, Nazareth, Israël. Cette église a été terminée en 1969 et est dédiée à Marie. Elle est la plus grande église chrétienne au Moyen-Orient. Elle contient plusieurs œuvres de divers pays, particulièrement des mosaïques. L’origine de celle-ci m’est inconnue. Jésus, au centre, est à table avec d’autres figures. La femme est à ses pieds, son visage tourné vers lui. La phrase en latin, Tes péchés sont pardonnés, va en paix, indique clairement qu’il s’agit ici de la pécheresse pardonnée en Luc 7.
  1. Andrei Mironov, 2020, site artmiro.ru, Russie. Ce peintre fait des œuvres religieuses à la fois s’inspirant de la tradition et très personnelles, avec des personnages intenses ou inhabituels. Le Christ regarde Simon le Pharisien et s’adresse à lui, en montrant la femme pècheresse de sa main gauche. Comme pour Thomas (dans une chronique précédente), Simon est vu de dos. La femme semble jeune. La mère debout à côté du Christ, en service et ressemblant à la jeune femme, symbolise l’Église de l’Ancienne Alliance; et l’enfant avec elle, l’Église de la Nouvelle Alliance, tournée vers le Christ. Les deux colonnes au fond évoquent le Père et l’Esprit soutenant le Fils. Le jardin et la montagne derrière le Christ annoncent l’érection d’une autre colonne, la croix de notre salut. Dans son commentaire, l’artiste cite Jésus : Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs à la conversion (Lc 5, 32). Et le pardon suscite amour et paix …

Daniel Cadrin, o.p.


Dessin à tracer et à colorier

Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, librement inspiré d’une peinture de Dirk Bouts, un peintre et dessinateur sud-néerlandais.


Rencontres avec Jésus – Marie de Béthanie

Une interprétation, en style vitrail, librement inspiré d’une peinture de Botticelli

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers l’onction des pieds de Jésus par Marie de Béthanie

MARIE DE BÉTHANIE ET L’ONCTION DU MESSIE : Jean 12, 1-11

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean – Chapitre 12

01 Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare, qu’il avait réveillé d’entre les morts.

02 On donna un repas en l’honneur de Jésus. Marthe faisait le service, Lazare était parmi les convives avec Jésus.

03 Or, Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum.

04 Judas Iscariote, l’un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit alors :

05 « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? »

06 Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait.

07 Jésus lui dit : « Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement !

08 Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. »

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

Marthe, Marie et Lazare : voici trois membres d’une même famille que nous avons déjà rencontré-e-s dans les chroniques précédentes: Marthe et Marie, entre service et écoute (Luc 10, 38-42); Marthe et Lazare, croire et ressusciter (Jean 11, 1-46). Nous avons maintenant l’onction de Jésus à Béthanie, dans l’Évangile selon Jean. Elle vient après la résurrection de Lazare et elle précède l’entrée de Jésus à Jérusalem sur un ânon, qui a lieu le lendemain. Elle annonce la Passion à venir.

Dans la résurrection de Lazare en Jean, Marie était présente mais seconde par rapport à sa soeur Marthe. Mais ici, elle est la figure au cœur de l’action. L’onction de Jésus par une femme est une scène très particulière et commentée : elle se retrouve dans les quatre évangiles avec des traits bien différents! Ici, en Jean, on y retrouve le trio des amis de Jésus, Lazare, Marthe et Marie. Lazare est là, revenu des morts, ressuscité par Jésus, mais il risque d’affronter la mort à nouveau. Marthe est en service, littéralement elle diaconise; il en faut! Marie est centrée sur Jésus, dont elle oint les pieds.

En Marc (14,3-9) et Matthieu (26, 6-13), la scène se passe aussi à Béthanie, mais chez Simon le lépreux; et la femme, qui n’a pas de nom, oint la tête de Jésus et non les pieds. Elle a lieu après l’entrée à Jérusalem et avant la Passion. En Luc (7,36 – 8,3), dans la maison d’un Pharisien, sans nom, une femme elle aussi sans nom, et qualifiée de pécheresse, oint les pieds de Jésus; le geste est sans lien avec la Passion. Nous y reviendrons dans la prochaine chronique.

Revenons à Jean. Dans l’imaginaire chrétien, ce geste est souvent attribué à Marie-Madeleine, alors qu’en Jean, il s’agit de Marie de Béthanie, sœur de Marthe et Lazare. Marie de Magdala n’a rien à voir là-dedans! En Jean, c’est une toute autre figure (cf. Marie de Magdala, disciple et apôtre (Jean 20, 11-18). Pourquoi cette attribution dans l’imagerie? Parce qu’elle avait de longs cheveux? Qu’importe. Le sens du geste en Jean, comme en Marc et Matthieu, est lié directement à la mort proche de Jésus, à l’événement de sa mise à mort qui se rapproche. C’est un geste de piété et de reconnaissance, geste de croyante qui voit, qui ressent, ce à quoi les autres sont insensibles.

Un point commun de Jean avec Marc et Matthieu, c’est la question de l’argent et du gaspillage. C’est très intéressant comme réaction. La valeur du parfum est énorme : 300 deniers, une année de travail pour un journalier. À une logique du coût, des dépenses et de leurs résultats, celle de la gestion financière stricte, s’oppose une logique du don et de la gratuité. Comme on le voit dans des cultures anciennes, dont celles de premières nations ici, il y a un temps pour le don et le gaspillage, un temps spécial lié aux événements de la vie qui ne se réduit pas à des calculs de rentabilité. En Matthieu, ce sont les disciples qui réagissent ainsi; en Marc, quelques disciples; mais en Jean, un seul, Judas, qui est qualifié en plus de voleur! Il semble que l’auteur de l’évangile en profite pour régler ses comptes avec un disciple mal-aimé. Qu’importe. La position de Jésus n’est pas celle des disciples. Il accueille ce geste extravagant, lié aux évènements uniques qui se préparent.

Il y a aussi la foule (v.9), sympathique à Jésus, mais motivée d’abord par la curiosité : elle veut voit Lazare, le revenu des morts. Cette attitude des gens est fréquente en Jean, mais c’est un début. Alors que celle des grands-prêtres (v.10-11) est déjà hostile : leur dessein d’éliminer Jésus est en marche.

Marie oint les pieds de Jésus avec un parfum. Le mot Messie (en hébreu) et Christ (en grec) signifie celui qui est Oint par l’huile sainte, le roi d’Israël. Alors ce geste de Marie est chargé d’une profonde signification. Il advient juste avant la Passion. Celui qui sera arrêté et crucifié, c’est vraiment le Messie, l’envoyé de Dieu.

Dans ce court récit, on trouve toute une série de personnages pour introduire à la semaine qui va suivre, au récit de la Passion à Jérusalem. Nous sommes quelque part dans l’un ou l’autre de ces personnages. Dans Lazare, revenu à la vie, mais pour combien de temps? Dans Marthe, active, en service. Dans Judas, qui fait ses calculs étroits. Dans la foule, attirée par Jésus mais aux humeurs changeantes. Dans les grand-prêtres, que Jésus dérange, et cela nous arrive. Et surtout dans Marie, pieuse et généreuse, qui perçoit le sens des événements et reconnait l’identité de Jésus, figure de la croyante, comme le disciple bien-aimé. Voici des drames et des questions, ceux de cœurs humains dont le nôtre, avec ses quêtes, ses misères et ses espoirs.

Et puis, quelle place le don et la gratuité ont-ils dans notre gestion, plus ou moins serrée, des évènements, de nos relations, et même de nos biens? Y aurait-il place pour une extravagance, à accomplir ou à accueillir? Sans attendre que l’occasion soit passée…

Images

Les images de l’onction sont nombreuses, depuis les temps antiques. Mais fréquemment les quatre récits évangéliques, bien différents comme le montre le commentaire, sont mélangés, mis ensemble; ainsi, les oeuvres ont parfois le titre de Marie-Madeleine chez Simon le Pharisien! J’essaie ici de ne présenter que des images qui se rattachent à l’onction de Jésus par Marie de Béthanie en Jean 12.

Comment distinguer? Des critères sont offerts par le texte : l’onction de parfum sur les pieds et non sur la tête; la présence identifiable de Marthe, de Lazare, de Judas.

Le cadre dans les quatre évangiles est celui d’un repas dans une maison. Ici, il s’agit de celle de Marthe, plutôt que celle d’un Pharisien ou de Simon : c’est elle qui fait le service.

Un point d’attention : Comme à la résurrection de Lazare, qui précède l’onction, il est question d’odeur. Avec Lazare, c’était la puanteur d’un ex-mort (11,39); avec Marie, c’est la bonne odeur d’un parfum qui remplit la maison (12,3). Certaines oeuvres ont montré cette odeur pour Lazare; est-ce qu’on retrouve une visibilité du parfum avec l’onction?

Voici quelques œuvres portant pour la plupart sur Jean 12, toutes réalisées il y a moins de cent ans et la moitié par des femmes.

  1. Marie-Alain Couturier, c.1937-1938, réfectoire, Couvent Santa Sabina, Rome, Italie. Ce dominicain français, formé aux Ateliers d’Art sacré, a joué un rôle majeur dans le renouveau de l’art chrétien au 20e siècle. Durant les années 40, il séjourna au Québec et eut une influence pour ouvrir les peintres aux nouveaux courants. Ici, il n’y a que Jésus et une femme, possiblement Marie de Béthanie. C’est une œuvre de grande dimension et impressionnante par la richesse des couleurs et l’harmonie des formes. J’ai vécu en ce lieu et l’ai vue régulièrement. C’est splendide!
  1. Philippe Lejeune, 1992, site corpusetempois.com, France. Cet artiste français, mort en 2014 à 89 ans, a aussi été formé aux Ateliers d’Art sacré et influencé par Maurice Denis. Il a développé un style personnel, conjuguant le figuratif et les apports de l’abstraction. Il a formé plusieurs artistes à l’École d’Étampes, au sud de Paris, qu’il a fondée. Marie est agenouillé aux pieds d’un Jésus qui a l’air plus âgé. Lazare serait derrière lui et Marthe au centre à la table. À droite, en plus foncé, serait Judas. À l’arrière, Jérusalem, dont Béthanie est proche, est évoqué.
  1. Anne-Marie Troechslin, miniature, 2000, Bible enluminée, collection privée, Suisse. Originaire de Milan, cette artiste suisse est réputée pour ses aquarelles de fleurs et d’oiseaux. Elle est décédée en 2007, à l’âge de 80 ans. En 2000, pour une abbaye de Zurich, elle a illustré la Bible à la manière des manuscrits enluminés, avec un choix de miniatures pour le temps pascal. Marie est aux pieds de Jésus, qui discute avec Judas, à droite. Possiblement, Marthe est à table à droite de Jésus et Lazare devant, à ses pieds. Des disciples sont présents. L’environnement floral, très délicat, donne une touche joyeuse à cette scène enluminée.
  1. Pascale Roze Huré, 21e siècle, site catechese-et-parole.catholique.fr, France. Ce site, tenu par des membres de services diocésains de catéchèse, est rattaché au diocèse de Montpellier et offre plusieurs outils. L’artiste a illustré plusieurs ouvrages de catéchèse. Ici, chaque élément est précis. Marie est agenouillée pour oindre les pieds de Jésus. Celui-ci, nimbé, a une main ouverte et l’autre tient le livre de la Parole. À son côté, Lazare, reconnaissable aux bandelettes, est tout souriant et reconnaissant. Face à Jésus, Judas, avec une bourse, critique le geste. Derrière lui, Jean et Pierre, puis Jacques. À droite, Marthe apporte un plat. À l’arrière, deux personnes discutent.
  1. Sr Marie-Paul, icône, 21e siècle, site bénédictinesmontdesoliviers.org, Israël. Cette grande icône a été écrite par une moniale bénédictine du Mont des Oliviers à Jérusalem. À droite, en bas, Marie répand le parfum sur les pieds de Jésus. À côté de celui-ci, Lazare, tête couverte de blanc. À gauche, Marthe apporte un plat et une cruche. En haut, à gauche, Judas est là, tenant sa bourse d’une main et levant l’autre. Des disciples sont présents et quelques curieux. La tour verte, en haut à droite, symbolise Jérusalem. Pain et vin sont sur la table.
  1. Marko Yvan Rupnik, mosaïque, 2009, crypte de l’Église San Pio da Pietralcina, San Giovanni Rotondo, Pouilles, Italie. Cette église, où est enterré le capucin San Padre Pio, est remplie des mosaïques du jésuite slovène. On retrouve ici clairement la scène en Jean et ses cinq personnages : Jésus avec le nimbe cruciforme et assis; Marie essuyant les pieds de Jésus avec ses cheveux; Marthe apportant un plat de poisson; Lazare à son côté portant la coupe; et Judas, en gris, le seul sans nimbe, avec sa bourse en main.
  1. Juan Cantabrana, 2014, site juancantabrana.com, Espagne. Ce peintre originaire de Cordoba s’inscrit dans le courant de la nouvelle figuration espagnole. Ses paysages et portraits sont marqués par une recherche de lumière et transparence. Il a aussi fait des scènes bibliques. Ici, Marthe, à droite, apporte un plat; Lazare est au centre à la table; Judas, à gauche discute avec Jésus, pointant du doigt le geste de Marie, qui regarde vers la gauche, ouvrant l’image vers un ailleurs. Des disciples sont à l’arrière. La table est chargée de fruits et l’œuvre ressemble à une Cène. C’est d’ailleurs son titre : La Cène de Béthanie.
  1. Julia Stankova, icône, 2022, site juliastankova.com, Bulgarie. Cette artiste bulgare, déjà présente dans ces chroniques, allie la tradition byzantine et une expressivité personnelle. Ici, la figure de Marie, aux long cheveux, tenant le parfum, est recueillie et méditante. Trois témoins sont présents à l’arrière. Je suis peut-être l’un d’eux; je regarde et m’interroge …

Daniel Cadrin, o.p.


Dessin à tracer et à colorier

Voici un dessin simplifié en style vitrail, à tracer et à colorier, librement inspiré d’une peinture de Botticelli.

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