Rencontres avec Jésus – Marie de Béthanie

Une interprétation, en style vitrail, librement inspiré d’une peinture de Botticelli

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers l’onction des pieds de Jésus par Marie de Béthanie

MARIE DE BÉTHANIE ET L’ONCTION DU MESSIE : Jean 12, 1-11

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean – Chapitre 12

01 Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare, qu’il avait réveillé d’entre les morts.

02 On donna un repas en l’honneur de Jésus. Marthe faisait le service, Lazare était parmi les convives avec Jésus.

03 Or, Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum.

04 Judas Iscariote, l’un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit alors :

05 « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? »

06 Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait.

07 Jésus lui dit : « Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement !

08 Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. »

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

Marthe, Marie et Lazare : voici trois membres d’une même famille que nous avons déjà rencontré-e-s dans les chroniques précédentes: Marthe et Marie, entre service et écoute (Luc 10, 38-42); Marthe et Lazare, croire et ressusciter (Jean 11, 1-46). Nous avons maintenant l’onction de Jésus à Béthanie, dans l’Évangile selon Jean. Elle vient après la résurrection de Lazare et elle précède l’entrée de Jésus à Jérusalem sur un ânon, qui a lieu le lendemain. Elle annonce la Passion à venir.

Dans la résurrection de Lazare en Jean, Marie était présente mais seconde par rapport à sa soeur Marthe. Mais ici, elle est la figure au cœur de l’action. L’onction de Jésus par une femme est une scène très particulière et commentée : elle se retrouve dans les quatre évangiles avec des traits bien différents! Ici, en Jean, on y retrouve le trio des amis de Jésus, Lazare, Marthe et Marie. Lazare est là, revenu des morts, ressuscité par Jésus, mais il risque d’affronter la mort à nouveau. Marthe est en service, littéralement elle diaconise; il en faut! Marie est centrée sur Jésus, dont elle oint les pieds.

En Marc (14,3-9) et Matthieu (26, 6-13), la scène se passe aussi à Béthanie, mais chez Simon le lépreux; et la femme, qui n’a pas de nom, oint la tête de Jésus et non les pieds. Elle a lieu après l’entrée à Jérusalem et avant la Passion. En Luc (7,36 – 8,3), dans la maison d’un Pharisien, sans nom, une femme elle aussi sans nom, et qualifiée de pécheresse, oint les pieds de Jésus; le geste est sans lien avec la Passion. Nous y reviendrons dans la prochaine chronique.

Revenons à Jean. Dans l’imaginaire chrétien, ce geste est souvent attribué à Marie-Madeleine, alors qu’en Jean, il s’agit de Marie de Béthanie, sœur de Marthe et Lazare. Marie de Magdala n’a rien à voir là-dedans! En Jean, c’est une toute autre figure (cf. Marie de Magdala, disciple et apôtre (Jean 20, 11-18). Pourquoi cette attribution dans l’imagerie? Parce qu’elle avait de longs cheveux? Qu’importe. Le sens du geste en Jean, comme en Marc et Matthieu, est lié directement à la mort proche de Jésus, à l’événement de sa mise à mort qui se rapproche. C’est un geste de piété et de reconnaissance, geste de croyante qui voit, qui ressent, ce à quoi les autres sont insensibles.

Un point commun de Jean avec Marc et Matthieu, c’est la question de l’argent et du gaspillage. C’est très intéressant comme réaction. La valeur du parfum est énorme : 300 deniers, une année de travail pour un journalier. À une logique du coût, des dépenses et de leurs résultats, celle de la gestion financière stricte, s’oppose une logique du don et de la gratuité. Comme on le voit dans des cultures anciennes, dont celles de premières nations ici, il y a un temps pour le don et le gaspillage, un temps spécial lié aux événements de la vie qui ne se réduit pas à des calculs de rentabilité. En Matthieu, ce sont les disciples qui réagissent ainsi; en Marc, quelques disciples; mais en Jean, un seul, Judas, qui est qualifié en plus de voleur! Il semble que l’auteur de l’évangile en profite pour régler ses comptes avec un disciple mal-aimé. Qu’importe. La position de Jésus n’est pas celle des disciples. Il accueille ce geste extravagant, lié aux évènements uniques qui se préparent.

Il y a aussi la foule (v.9), sympathique à Jésus, mais motivée d’abord par la curiosité : elle veut voit Lazare, le revenu des morts. Cette attitude des gens est fréquente en Jean, mais c’est un début. Alors que celle des grands-prêtres (v.10-11) est déjà hostile : leur dessein d’éliminer Jésus est en marche.

Marie oint les pieds de Jésus avec un parfum. Le mot Messie (en hébreu) et Christ (en grec) signifie celui qui est Oint par l’huile sainte, le roi d’Israël. Alors ce geste de Marie est chargé d’une profonde signification. Il advient juste avant la Passion. Celui qui sera arrêté et crucifié, c’est vraiment le Messie, l’envoyé de Dieu.

Dans ce court récit, on trouve toute une série de personnages pour introduire à la semaine qui va suivre, au récit de la Passion à Jérusalem. Nous sommes quelque part dans l’un ou l’autre de ces personnages. Dans Lazare, revenu à la vie, mais pour combien de temps? Dans Marthe, active, en service. Dans Judas, qui fait ses calculs étroits. Dans la foule, attirée par Jésus mais aux humeurs changeantes. Dans les grand-prêtres, que Jésus dérange, et cela nous arrive. Et surtout dans Marie, pieuse et généreuse, qui perçoit le sens des événements et reconnait l’identité de Jésus, figure de la croyante, comme le disciple bien-aimé. Voici des drames et des questions, ceux de cœurs humains dont le nôtre, avec ses quêtes, ses misères et ses espoirs.

Et puis, quelle place le don et la gratuité ont-ils dans notre gestion, plus ou moins serrée, des évènements, de nos relations, et même de nos biens? Y aurait-il place pour une extravagance, à accomplir ou à accueillir? Sans attendre que l’occasion soit passée…

Images

Les images de l’onction sont nombreuses, depuis les temps antiques. Mais fréquemment les quatre récits évangéliques, bien différents comme le montre le commentaire, sont mélangés, mis ensemble; ainsi, les oeuvres ont parfois le titre de Marie-Madeleine chez Simon le Pharisien! J’essaie ici de ne présenter que des images qui se rattachent à l’onction de Jésus par Marie de Béthanie en Jean 12.

Comment distinguer? Des critères sont offerts par le texte : l’onction de parfum sur les pieds et non sur la tête; la présence identifiable de Marthe, de Lazare, de Judas.

Le cadre dans les quatre évangiles est celui d’un repas dans une maison. Ici, il s’agit de celle de Marthe, plutôt que celle d’un Pharisien ou de Simon : c’est elle qui fait le service.

Un point d’attention : Comme à la résurrection de Lazare, qui précède l’onction, il est question d’odeur. Avec Lazare, c’était la puanteur d’un ex-mort (11,39); avec Marie, c’est la bonne odeur d’un parfum qui remplit la maison (12,3). Certaines oeuvres ont montré cette odeur pour Lazare; est-ce qu’on retrouve une visibilité du parfum avec l’onction?

Voici quelques œuvres portant pour la plupart sur Jean 12, toutes réalisées il y a moins de cent ans et la moitié par des femmes.

  1. Marie-Alain Couturier, c.1937-1938, réfectoire, Couvent Santa Sabina, Rome, Italie. Ce dominicain français, formé aux Ateliers d’Art sacré, a joué un rôle majeur dans le renouveau de l’art chrétien au 20e siècle. Durant les années 40, il séjourna au Québec et eut une influence pour ouvrir les peintres aux nouveaux courants. Ici, il n’y a que Jésus et une femme, possiblement Marie de Béthanie. C’est une œuvre de grande dimension et impressionnante par la richesse des couleurs et l’harmonie des formes. J’ai vécu en ce lieu et l’ai vue régulièrement. C’est splendide!
  1. Philippe Lejeune, 1992, site corpusetempois.com, France. Cet artiste français, mort en 2014 à 89 ans, a aussi été formé aux Ateliers d’Art sacré et influencé par Maurice Denis. Il a développé un style personnel, conjuguant le figuratif et les apports de l’abstraction. Il a formé plusieurs artistes à l’École d’Étampes, au sud de Paris, qu’il a fondée. Marie est agenouillé aux pieds d’un Jésus qui a l’air plus âgé. Lazare serait derrière lui et Marthe au centre à la table. À droite, en plus foncé, serait Judas. À l’arrière, Jérusalem, dont Béthanie est proche, est évoqué.
  1. Anne-Marie Troechslin, miniature, 2000, Bible enluminée, collection privée, Suisse. Originaire de Milan, cette artiste suisse est réputée pour ses aquarelles de fleurs et d’oiseaux. Elle est décédée en 2007, à l’âge de 80 ans. En 2000, pour une abbaye de Zurich, elle a illustré la Bible à la manière des manuscrits enluminés, avec un choix de miniatures pour le temps pascal. Marie est aux pieds de Jésus, qui discute avec Judas, à droite. Possiblement, Marthe est à table à droite de Jésus et Lazare devant, à ses pieds. Des disciples sont présents. L’environnement floral, très délicat, donne une touche joyeuse à cette scène enluminée.
  1. Pascale Roze Huré, 21e siècle, site catechese-et-parole.catholique.fr, France. Ce site, tenu par des membres de services diocésains de catéchèse, est rattaché au diocèse de Montpellier et offre plusieurs outils. L’artiste a illustré plusieurs ouvrages de catéchèse. Ici, chaque élément est précis. Marie est agenouillée pour oindre les pieds de Jésus. Celui-ci, nimbé, a une main ouverte et l’autre tient le livre de la Parole. À son côté, Lazare, reconnaissable aux bandelettes, est tout souriant et reconnaissant. Face à Jésus, Judas, avec une bourse, critique le geste. Derrière lui, Jean et Pierre, puis Jacques. À droite, Marthe apporte un plat. À l’arrière, deux personnes discutent.
  1. Sr Marie-Paul, icône, 21e siècle, site bénédictinesmontdesoliviers.org, Israël. Cette grande icône a été écrite par une moniale bénédictine du Mont des Oliviers à Jérusalem. À droite, en bas, Marie répand le parfum sur les pieds de Jésus. À côté de celui-ci, Lazare, tête couverte de blanc. À gauche, Marthe apporte un plat et une cruche. En haut, à gauche, Judas est là, tenant sa bourse d’une main et levant l’autre. Des disciples sont présents et quelques curieux. La tour verte, en haut à droite, symbolise Jérusalem. Pain et vin sont sur la table.
  1. Marko Yvan Rupnik, mosaïque, 2009, crypte de l’Église San Pio da Pietralcina, San Giovanni Rotondo, Pouilles, Italie. Cette église, où est enterré le capucin San Padre Pio, est remplie des mosaïques du jésuite slovène. On retrouve ici clairement la scène en Jean et ses cinq personnages : Jésus avec le nimbe cruciforme et assis; Marie essuyant les pieds de Jésus avec ses cheveux; Marthe apportant un plat de poisson; Lazare à son côté portant la coupe; et Judas, en gris, le seul sans nimbe, avec sa bourse en main.
  1. Juan Cantabrana, 2014, site juancantabrana.com, Espagne. Ce peintre originaire de Cordoba s’inscrit dans le courant de la nouvelle figuration espagnole. Ses paysages et portraits sont marqués par une recherche de lumière et transparence. Il a aussi fait des scènes bibliques. Ici, Marthe, à droite, apporte un plat; Lazare est au centre à la table; Judas, à gauche discute avec Jésus, pointant du doigt le geste de Marie, qui regarde vers la gauche, ouvrant l’image vers un ailleurs. Des disciples sont à l’arrière. La table est chargée de fruits et l’œuvre ressemble à une Cène. C’est d’ailleurs son titre : La Cène de Béthanie.
  1. Julia Stankova, icône, 2022, site juliastankova.com, Bulgarie. Cette artiste bulgare, déjà présente dans ces chroniques, allie la tradition byzantine et une expressivité personnelle. Ici, la figure de Marie, aux long cheveux, tenant le parfum, est recueillie et méditante. Trois témoins sont présents à l’arrière. Je suis peut-être l’un d’eux; je regarde et m’interroge …

Daniel Cadrin, o.p.


Dessin à tracer et à colorier

Voici un dessin simplifié en style vitrail, à tracer et à colorier, librement inspiré d’une peinture de Botticelli.

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Un avis sur « Rencontres avec Jésus – Marie de Béthanie »

  1. Merci beaucoup pour le florilège d’œuvres contemporaines et documentées !

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