Rencontres avec Jésus – La famille spirituelle

La « famille de cœur » de Jésus illustrée par l’atelier Dominique-Emmanuel

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers de sa famille spirituelle.

D’UNE FAMILLE À L’AUTRE : Marc 3, 31-35

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc– Chapitre 3

31 Alors arrivent sa mère et ses frères. Restant au-dehors, ils le font appeler.

32 Une foule était assise autour de lui ; et on lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont là dehors : ils te cherchent. »

33 Mais il leur répond : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? »

34 Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères.

35 Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

Nous nous retrouvons en Galilée, à Capharnaüm, dans la maison de Pierre; elle est le quartier général de Jésus et de sa bande. Un contact se fait entre Jésus et des membres de sa famille qui veulent le voir : sa mère, seule mention de Marie en Marc, et ses frères, expression indiquant un lien de parenté proche. Mais le contact n’aboutit pas à une rencontre. Ou plutôt il permet d’établir une distance et d’opérer un déplacement : de la famille naturelle à une famille universelle, celle des disciples de Jésus.

Déjà, un peu auparavant (Mc 3, 20-21), cette famille est apparue avec des intentions peu favorables. La parenté de Jésus veut s’emparer de lui pour qu’il arrête son ministère. Pourquoi? Il a perdu la tête! Jésus est traité de fou par des membres de sa famille. Les motifs de cette réaction peuvent varier. L’incompréhension : pourquoi ne fait-il sa religion comme tout le monde, plutôt que de se mettre à part, à part de nous? Ou le souci de le protéger : il est en danger, la foule va l’écraser; qu’est-ce qui va arriver à notre petit Jésus, qui était si fin? Il faut le ramener à la maison. Ou l’envie : qu’il rentre dans les rangs; aucune tête ne doit dépasser; se pense-il meilleur que nous?

La scène de contact entre Jésus et sa famille est aussi en Matthieu (12,46-50) et en Luc (8,19-21). Mais l’affirmation de la folie de Jésus par sa famille ne se trouve qu’en Marc. Par ailleurs, on trouve une réaction semblable en Jean 7, 5 : En effet, ses frères eux–mêmes ne croyaient pas en lui.

Cela se comprend quand on regarde, aujourd’hui, les réactions lorsque quelqu’un se convertit et demande le baptême, ou un jeune veut entrer dans une communauté religieuse, ou une sexagénaire revient à la foi et à l’Église après des années d’abandon. Qu’est-ce qui lui arrive? Il ou elle a perdu la tête, ce n’est pas normal : incompréhension, inquiétude, envie.

Un autre aspect, très important à l’époque de Jésus, est l’appartenance à la famille qui est fondamentale. C’est l’unité de base, particulièrement dans les sociétés traditionnelles et rurales. Cela a des avantages : tu n’es pas seul-e, tu es appuyé-e, tu vis une solidarité première. Mais il y a des inconvénients : la pression pour te conformer est très forte et la place pour la liberté personnelle est réduite; se différentier du milieu va surprendre ou susciter la méfiance.

La famille a été un lieu majeur pour la transmission de l’Évangile. On le voit avec les premiers disciples qui ont des liens familiaux : Pierre et André, Jacques et Jean. De même pour la mission, au temps des communautés de saint Paul : le réseau des maisonnées est essentiel. Ce fut important aussi dans le développement des communautés religieuses au Québec. Mais la famille peut aussi devenir un obstacle à la suite de Jésus; et alors il faut oser prendre ses distances, quitter la foule et la famille.

Pourquoi? Parce que le chemin de l’évangile est risqué. C’est le sens premier de prendre sa croix : on peut perdre sa réputation, être insulté. On va rencontrer de l’adversité, de l’hostilité, et même la persécution. Cela fait partie de la suite de Jésus et aide à comprendre ses conditions pour devenir son disciple. Ce n’est pas possible sans un choix personnel de répondre à son appel. Et ce choix peut demander, mais non pas nécessairement, la rupture avec sa famille.

Quand on dit à Jésus que sa mère et ses frères le cherchent, il garde une distance et parle d’une nouvelle famille, élargie, celle de ses disciples. Pour en faire partie, le critère n’est pas telle position sociale, telle appartenance familiale, culturelle, ethnique. Ce qui compte, ce qui est commun à tous, quelle que soit son origine, c’est d’écouter et de mettre en pratique la volonté de Dieu.

La communauté ecclésiale n’est pas d’abord une famille de sang, même si elle en inclut. Jésus est donné pour tous. C’est une nouvelle famille spirituelle, brisant les frontières qui séparent. Sans cela, le christianisme ne serait jamais devenu une religion universelle; il aurait été étouffé par les liens familiaux et claniques. Mais la famille de Jésus, sa mère et ses frères, n’en est pas exclue. Elle peut en faire partie. Ainsi, dans les Actes (1,14), lors d’une assemblée dans une chambre haute à Jérusalem, après l’Ascension de Jésus, non seulement sa mère mais ses frères sont présents. Leur position a changé.

Ce récit en Marc peut surprendre, mais il nous invite à nous poser des questions. Qu’est-ce que je trouve un peu fou dans la personne, la parole ou l’action de Jésus? Il est sain de le reconnaître et d’y porter attention. Dans mon appartenance à des communautés de foi et à des groupes engagés, quels défis ai-je rencontrés par rapport à ma famille?

Le regard de Jésus sur l’être humain est très lucide. Il prend en compte notre nature sociale et grégaire et aussi nos capacités de dépasser les frontières (famille, tribu, nation, culture, continent, …) et de nous donner avec générosité pour aimer Dieu et le prochain. Mais une folie de Jésus demeure : c’est celle de la Croix (1 Co 1, 18-25).

Images

Ce récit a suscité peu d’images, comparativement à la chronique précédente (Visitation) ! Est-ce à cause du sujet qui met mal à l’aise : cette distance, et même une certaine hostilité, entre Jésus et sa famille? Le christianisme, en ses diverses Églises, a beaucoup valorisé la famille et ses liens. De plus, Marie ici n’a pas un rôle touchant ou exemplaire comme en d’autres scènes des évangiles, de l’Annonciation à la Croix, en passant par Cana. Dans la liturgie actuelle, ce passage de Marc est lu le 10e dimanche de l’Année B. Ce dimanche est souvent omis à cause de sa place dans le temps, avant le Carême ou après le temps pascal.

La scène se passe dans une maison à Capharnaüm. Diverses figures sont présentes : Jésus et ses disciples, qui sont assis autour de lui; sa mère et ses frères, qui se tiennent à l’extérieur de la maison; l’un des disciples fait le lien entre Jésus et sa famille.

Voici quelques œuvres dont certaines (3,4,5), plus récentes, montrent exactement la scène. En d’autres, nous voyons Jésus avec des disciples (1), avec une famille (2).

  1. Carl Heinrich Bloch, 1877, Musée National d’Histoire, Château de Frederiksborg, Copenhague, Danemark. Cet artiste luthérien de Copenhague, formé aux Pays-Bas et en Italie, a été marqué par Rembrandt et le courant romantique. Ses œuvres bibliques ont été et sont encore très populaires dans les diverses Églises chrétiennes. Ce tableau fait partie des 23 scènes de la vie du Christ qu’il a peintes pour la chapelle du Palais Frederiksborg. Dans ce Sermon sur la montagne, Jésus en rouge et bleu est solennel et enseigne à ses disciples. Certains, à l’avant-scène, sont plus colorés et ressortent par leurs expressions et leurs attitudes corporelles, disant l’écoute, l’attention, la réflexion. Voici la nouvelle famille de Jésus.
  1. Fritz von Uhde, c.1887-1888, Musée d’Orsay, Paris, France. Ce peintre allemand, à la frontière du réalisme et de l’impressionnisme, était soucieux de la nature et des gens du peuple. Nous l’avons rencontré dans les chroniques sur Emmaüs et Nicodème. Luthérien engagé, il a cherché à présenter les scènes bibliques dans un contexte contemporain. Dans ce Christ avec les paysans, on voit Jésus debout à table, bénissant le repas d’une famille recueillie, qui inclut quelques générations. Le portrait de leur milieu de vie est réaliste et juste. Un enfant regarde Jésus, qui porte un léger halo. La scène est remplie de lumière. Ainsi, Jésus le Vivant est toujours présent, en tout lieu et temps, aux gens qui l’accueillent.
  1. Steve Erspamer, 1993, Clip Art for the Year B, Liturgy Training Publications, Chicago, États-Unis. Cet artiste américain a été un religieux marianiste (s.m.) pendant trente années; il a vécu un temps aux Indes. En 2005, il est devenu bénédictin (o.s.b.), à l’Abbaye de St. Meinrad en Indiana; il y a pris le nom de frère Martin. Il est réputé pour ses vitraux qu’on trouve en plusieurs églises aux États-Unis. Ses illustrations des évangiles, d’inspiration médiévale, couvrent tout le cycle liturgique des trois années : A-Matthieu; B-Marc; C-Luc. Ici, devant Jésus assis, s’approchent une femme âgée et trois hommes. La réaction de Jésus s’exprime par ses mains qui les mettent clairement à distance. À l’arrière, on voit trois autres figures sous une arche: possiblement d’autres membres de sa famille.
  1. Berna, 2018, site www-evangile-et-peinture.org, Suisse. Les oeuvres de Bernadette Lopez, aux couleurs vives et au style inspirant, couvrent aussi tout le cycle liturgique. La scène se passe dans une maison. Les disciples sont assis en cercle autour de Jésus. Quelqu’un lui indique des gens à l’entrée, dans le cadre de la porte: cinq figures, qu’on ne peut distinguer, mais dont l’une aux mains en mouvement est probablement la mère de Jésus. Ce moment précis du récit est bien montré; la suite, la réponse de Jésus sur qui sont sa mère et ses frères, reste à venir. Mais nous les voyons déjà, autour de lui.
  1. Inconnu, 21e siècle, site wol.jw.org, États-Unis. Cette œuvre se trouve sur un site des Témoins de Jéhovah (Watchtower Online Library, Jehovah’s Witnesses); son auteur n’est pas indiqué. Comme elle porte avec précision sur notre récit, dans une approche réaliste et expressive, elle est très utilisée. Les gens sont assis près de Jésus, l’écoutant avec attention et joie. Quelqu’un montre de la main à Jésus les trois personnes à l’entrée de la maison, sa mère et ses frères. La réponse de Jésus est donnée par sa main qui montre les disciples près de lui : voici ses sœurs, ses frères, sa mère. … Peut-être que moi aussi, je pourrais aller m’asseoir avec ces disciples, pour écouter la Parole et faire la volonté du Père. Pour devenir membre de cette nouvelle famille, ou le redevenir, ou continuer avec plus d’élan …

Daniel Cadrin, o.p.


​Dessin à tracer et à colorier

Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, une illustration de l’atelier Dominique-Emmanuel.

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