Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, cette fois-ci au travers de la femme accusée d’adultère puis sauvée par Jésus!
LA FEMME SAUVÉE : Jean 8, 1-11
Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean – Chapitre 8
01 Quant à Jésus, il s’en alla au mont des Oliviers.
02 Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.
03 Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu,
04 et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère.
05 Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »
06 Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.
07 Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »
08 Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.
09 Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.
10 Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? »
11 Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Commentaire de l’Évangile
Par Daniel Cadrin, o.p.
Il y a les rencontres entre Jésus et ses premiers disciples, comme André et Pierre, proches de lui. Mais il y a aussi ces rencontres occasionnelles, uniques, entre Jésus et différentes personnes, en chemin, sur les places, dans des maisons. L’une d’elles est avec une femme dite adultère, au 5e dimanche du Carême de l’Année C, celle de Luc. Le récit est dans l’évangile de Jean (8,1-11), mais il est considéré comme n’appartenant pas à celui-ci, dont il était absent dans les anciens manuscrits. Son style est plus proche de celui de Luc. Mais, ce qui est sûr, il fait partie du Nouveau Testament et offre une inspiration très évangélique.
La scène se passe au Temple, au coeur de la vie religieuse du peuple, et Jésus est en train d’enseigner. Et voici qu’une femme menacée de mort est mise au centre de l’action. Des scribes et pharisiens, armés de la Loi, sont décidés à la condamner. Jésus, à qui on demande de prendre position, est pris entre les deux. Une victime, des accusateurs, un juge. Une scène tendue, où la victime et le juge, la femme et Jésus, sont tous deux pris dans un piège, celui des accusateurs qui ont l’initiative de l’action. Elle est accusée d’adultère, mais il n’y a pas d’époux, trompé ou trompeur.
Dans cette histoire, la femme est mise au centre. Mais, pour les accusateurs, elle n’est qu’un instrument au service de leur visée première : prendre Jésus au piège et pouvoir ainsi le mettre en accusation, en situation de délit face à la Loi. Cette femme est ainsi réduite à un objet, sans existence propre, sans parole, utilisée pour condamner un autre. Et Jésus est mis à l’épreuve et piégé : s’il condamne la femme, ses prétentions de miséricorde envers les pécheurs perdront leur crédibilité. S’il l’acquitte, il se condamne lui-même. Nous sommes dans un vrai cercle de violence : la femme est utilisée pour condamner Jésus et Jésus est utilisé pour condamner la femme.
Mais le dénouement est surprenant. À la fin, tous s’en vont; il n’y a plus ni victime, ni accusateurs, ni juge. L’univers de la menace et de la condamnation s’est écroulé. Tous sont dénoués de ce qui les attachait, délivrés du poids de mort qui les enfermait dans un cercle de violence. La femme a retrouvé sa dignité et elle parle; elle est un sujet humain. Et Jésus reste libre. Quelle approche de Jésus a permis ce dénouement? L’action et la parole de Jésus en cette scène ne relèvent pas d’abord de l’habileté d’un juriste qui sait trouver la faille et s’en sortir. Jésus engage tous les participants dans un débat plus profond, celui de la vérité de leur condition humaine. Il change l’horizon et l’enjeu du procès.
Il le fait d’abord non pas par sa parole, mais par son corps et son geste. Les scribes sont entrés en scène dans un mouvement d’attaque; ils sont puissants, armés de leur certitude. Jésus s’abaisse, il incline la tête vers la terre, et il écrit sur le sol, on ne sait trop quoi. Par son geste, Jésus brise cet élan agressif. Il ne répond pas sur le même ton, dans la même logique que ses adversaires. Jésus intègre dans le débat un temps d’arrêt, de prise de conscience, comme un silence méditatif. Puis il se redresse, il relève la tête. Cette gestuelle rappelle la trajectoire même de sa vie, le mystère pascal, de l’abaissement à la résurrection.
C’est seulement à l’intérieur de cette dramatique que peut venir la parole. Celle-ci n’accuse pas mais elle fait entrer dans une autre dynamique, où il n’y a pas personne en extériorité, pouvant juger de l’extérieur. Que celui d’entre vous … Les scribes ne sont plus des accusateurs devant une condamnée; tous sont inclus dans la quête d’authenticité, de vérité sur soi. Puis, avec la femme, Jésus procède de la même manière : l’abaissement et le redressement et la parole qui met en mouvement, qui appelle à faire la vérité et à se mettre en marche : Va et désormais ne pèche plus. Parole qui remet debout et qui appelle à se tenir, à faire face aux défis de la vie qui continue. Et puis Jésus lui-même participe à ce débat de l’intérieur, car c’est une mise à l’épreuve qu’il doit traverser. Dans sa parole à la femme, il s’inclut : moi aussi …
C’est ainsi que se brisent le cercle de violence et de mort et le piège des condamnations. Par le temps d’arrêt qui décentre et recentre, par la prise de conscience d’une solidarité qui inclut tous, qui fait émerger la vérité plus profonde de notre existence. Et alors les catégories d’accusateur, de victime et de juge montrent leur insuffisance. Au lieu d’un procès, nous nous retrouvons dans un processus de conversion, qui dépasse les jugements extérieurs.
Ce récit évoque des scènes presque semblables qui se déroulent encore aujourd’hui. On pense à ces femmes dans certains pays où une loi rigoureuse et injuste est prête à les sacrifier. Mais aussi, cette histoire touche des situations actuelles où la condamnation d’autrui motive les actes, que ce soit dans l’excitation médiatique ou dans le quotidien des familles et des milieux de travail. Climat de peur et de menace, goût de piéger autrui, de l’humilier publiquement, victimes silencieuses qui n’ont plus le statut de sujets humains. Et des témoins appelés à porter un jugement qui ne savent pas toujours comment réagir et briser cet encerclement. Toi, qui es-tu pour jeter la première pierre? nous demande Jésus. Et quelle approche, ressortant du récit, pourrais-je favoriser lors de situations tendues?
Images de la femme sauvée
Cette scène est présente à partir du 9e siècle, dans des manuscrits, et demeure rare au Moyen Âge. Elle prend de l’envol à partir de la fin du 15e siècle et sera populaire et abondante aux derniers siècles. Elle est dramatique : il y a un enjeu de vie et de mort, avec une tension, une violence prête à passer à l’action. Les figures sont bien campées : la femme, les accusateurs, Jésus, et la foule autour. Cela se passe au temple, lieu sacré. Et aussi, simplement, ce récit porte à réfléchir, personnellement, avant de juger les autres. Il ouvre un espace de questionnement et de liberté qui demeure inspirant dans la diversité des époques et des cultures.
Des images reprennent tous les personnages et le contexte, pour en faire une scène très animée; d’autres se centrent plus sur Jésus et la femme. Certaines œuvres montrent le moment de l’accusation, d’autres le retrait des gens avant la finale, et d’autres le dialogue à la fin entre Jésus et la femme. Plus rarement, on trouve seulement Jésus ou la femme.
On peut voir Jésus debout, ou se penchant, se relevant, écrivant sur le sol. La femme est debout ou à genoux ou assise, parfois en pleurs. Dans le texte, elle est debout : à la fin, Jésus se relève pour lui parler. Elle peut être tenue de près par des gardes ou des pharisiens, avoir les mains liées, à l’avant ou à l’arrière, être habillée avec élégance et légèrement dénudée. Puisqu’il s’agit d’adultère, c’est une femme mariée; mais elle est souvent présentée comme une courtisane.
Les accusateurs sont des hommes, habituellement avec une allure agressive, hostile; fréquemment, des soldats les accompagnent. Parfois, des femmes sont dans la foule et des disciples sont présents avec Jésus.
Voici plusieurs œuvres, depuis le 16e siècle, où certains de ces éléments se retrouvent.
- Lorenzo Lotto, c.1527-1529, Musée du Louvre, Paris, France. Originaire de Venise, Lotto a travaillé à Bergame, Rome et dans les Marches. Homme très religieux, il est entré en fin de vie chez les frères de Loretto. La scène est dramatique, chargée de tensions. Les gens, aux visages agressifs et désagréables, sont serrés autour de Jésus, dans un climat propice à la violence. Des soldats tiennent la femme par sa robe et ses cheveux; elle cherche à se protéger. La lumière l’entoure, venant du Christ au centre. Celui-ci est calme, il ne cède pas à la pression, ce qui est bien fidèle au récit. Les couleurs sont riches. Les figures sont à notre hauteur, pour nous inclure.
- Pieter Brueghel l’Ancien, grisaille, 1565, Courtauld Institute of Art, Londres, Angleterre. Ce peintre flamand, sensible aux paysages et à la vie quotidienne, a marqué son époque. Jésus écrit sur le sol (en néerlandais): Que celui qui est sans péché… La femme, au centre, gracieuse et digne, est bien différente des autres personnages; elle tient les doigts croisés. Cette œuvre est une des trois grisailles faites par Brueghel. Cette technique, avec ses divers gris, ses ombres et lumières, accentue la dramatique de la scène, mais autrement que par les couleurs.
- Valentin de Boulogne, c.1620, J. Paul Getty Museum, Los Angeles, États-Unis. Ce peintre français s’inscrit dans la lignée du Caravage, avec son clair-obscur et ses figures individualisées dont les modèles viennent du peuple. La femme, aux mains liées, est entourée de soldats, jeunes, armés et métalliques. À droite, les accusateurs, plus âgés, dont l‘un à lunettes. Le moment est celui où Jésus a parlé; et les réactions indiquent que sa parole a des effets. La lumière touche Jésus et la femme.
- Rembrandt van Rijn, 1644, National Gallery, Londres, Angleterre. Dans ce grand espace du temple, avec des nuances de couleurs, on voit les colonnes, l’autel, des chandelles. La lumière est sur la femme et Jésus. Celui-ci est plus grand que les autres figures, sa présence s’impose. Ses disciples sont proches de lui. La femme pleure, entourée d’hommes âgés; une main la désigne, un garde est derrière elle. Pendant que cette scène se déroule, des gens sont affairés à leurs rites et activités.
- William Blake, aquarelle, c.1805, Boston Museum of Fine Arts, États-Unis. Ce poète et artiste célèbre, de Londres, a créé une œuvre littéraire et picturale originale, inspirée de la Bible et de ses visions. Le temple est évoqué mais sans détail. Il n’y a pas de foule. Les accusateurs vus de dos, sans visage, s’en vont, ce qui indique le pouvoir de la parole de Jésus. La femme se tient droite et digne, mais ses mains sont encore attachées. Jésus se penche pour écrire, il ne se met pas à genoux, ce qui physiquement n’est pas facile! La ressemblance entre Jésus et la femme indique leur proximité spirituelle.
- Vassili Polenov, 1887-1888, Musée Russe, Saint-Pétersbourg, Russie. Ce peintre russe a séjourné en Italie, en France et au Proche-Orient. Il s’intéressait à la vie quotidienne des gens et au paysage. Il a travaillé plusieurs années sur cette imposante toile, qu’il considérait comme sa grande œuvre. Elle a été achetée par le tsar Alexandre III. Les personnages sont nombreux; plusieurs sont des figures précises des évangiles. Jésus enseigne à l’entrée du temple; ses disciples et des auditeurs sont proches de lui. Voici qu’une foule agressive arrive avec la jeune femme apeurée. Ils demandent à Jésus de la condamner. Celui-ci, dont Polenov souligne l’humanité, fera face à la meute.
- Eero Järnefelt, 1908, Église Saint-Pierre, Lieto, Finlande. Ce peintre a été formé à Saint-Pétersbourg et Paris. La Finlande a fait partie de l’Empire russe jusqu’en 1917. Ses œuvres montrent les paysages de son pays et la vie des gens. On voit ici des hommes belliqueux, prêts à lancer des pierres. Élément plus rare : une femme et des enfants sont témoins de la scène. Ces figures sont en blanc, comme Jésus et la femme. Cela se passe à l’extérieur, avec un champ et un arbre sec. Jésus va relever la femme par terre.
- Max Beckmann, 1917, Saint Louis Art Museum, Missouri, États-Unis. Beckmann est un des principaux artistes allemands du 20e siècle. Influencé, entre autres, par Brueghel, Rembrandt et Blake, et par l’expressionnisme, il demeure un créateur très individuel. Son oeuvre, avec ses formes distordues, est une vive critique sociale. Mis au ban par le parti nazi, il fuit l’Allemagne en 1937 et vivra aux Pays-Bas, puis aux États-Unis. La femme a les yeux fermés et les mains jointes; elle est en prière. Des soldats sont autour, l’un avec des pierres; un clown au doigt accusateur se moque d’elle. Jésus, au centre, avec ses mains, la protège face à cette haine. Oeuvre faite à son retour de guerre.
- Liz Lemon Swindle, 2003, site lizlemonswindle.com, États-Unis. Cette artiste, de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (Mormons), peint des œuvres religieuses très expressives, dont les figures sont actuelles. Ici, Jésus et la femme sont au sol : la femme est agenouillée et repliée; Jésus réflexif est en train d’écrire (en hébreu). Les autres personnages les entourent, surtout par leurs mains.
- Louis Glanzman, illustration, dans Richard Rohr & Louis Glanzman, Soul Brothers, Orbis Books, 2004. Les illustrations de cet américain de Virginie ont paru dans plusieurs livres et grands magazines. Elles sont renommées et portent beaucoup sur l’histoire américaine, ancienne et récente. Mais il a aussi publié sur les femmes du Nouveau Testament et les hommes de la Bible. Ici, Jésus écrit (en anglais): Forgive ... Pardonne.
- Marko Yvan Rupnik, mosaïque, 2009, crypte de l’Église San Pio da Pietralcina, San Giovanni Rotondo, Pouilles, Italie. C’est dans cette église qu’est enterré le célèbre capucin Padre Pio, canonisé en 2002. Toute l’église est couverte des mosaïques du jésuite slovène; c’est son œuvre la plus développée, accomplie de 2009 à 2014. Jésus et la femme sont tous deux au sol en conversation. Les gens se retirent.

- Macha Chmakoff, 21e siècle, site chmakoff.com, France. Dans ses œuvres, cette peintre et psychanalyste, de Lyon, formée en théologie, veut exprimer « le mystère de la Révélation ». Elle a plusieurs publications. Jésus écrit sur le sol, aux pieds de la femme. La parole de Jésus vient de retentir. Des gens se retirent. La femme et Jésus, les deux en blanc, sont engagés dans une rencontre, qui relève et sauve …
Daniel Cadrin, o.p.
Dessin à tracer et à colorier
Afin d’approfondir le sujet en le vivant intérieurement, nous vous invitons à créer un petit montage en assemblant des images ci-dessous et en ajoutant quelques mots.



Tracés simplifiés à tracer et à colorier, librement inspirés de peintures traditionnelles de l’art chrétien. Cliquer sur les images pour les agrandir et les sauvegarder!
Voici un exemple de montage réalisé d’après les même dessins :
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