
Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers d’un paralysé et des quatre porteurs qui le transportent.
UNE ÉQUIPE PORTEUSE ET INGÉNIEUSE : Marc 2, 1-12
Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc – Chapitre 2
01 Quelques jours plus tard, Jésus revint à Capharnaüm, et l’on apprit qu’il était à la maison.
02 Tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, pas même devant la porte, et il leur annonçait la Parole.
03 Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé, porté par quatre hommes.
04 Comme ils ne peuvent l’approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de lui, ils font une ouverture, et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé.
05 Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés. »
06 Or, il y avait quelques scribes, assis là, qui raisonnaient en eux-mêmes :
07 « Pourquoi celui-là parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? »
08 Percevant aussitôt dans son esprit les raisonnements qu’ils se faisaient, Jésus leur dit : « Pourquoi tenez-vous de tels raisonnements ?
09 Qu’est-ce qui est le plus facile ? Dire à ce paralysé : “Tes péchés sont pardonnés”, ou bien lui dire : “Lève-toi, prends ton brancard et marche” ?
10 Eh bien ! Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre… – Jésus s’adressa au paralysé –
11 je te le dis, lève-toi, prends ton brancard, et rentre dans ta maison. »
12 Il se leva, prit aussitôt son brancard, et sortit devant tout le monde. Tous étaient frappés de stupeur et rendaient gloire à Dieu, en disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
Commentaire de l’Évangile
Par Daniel Cadrin, o.p.
Dans les Évangiles et dans cette chronique, différents individus, hommes et femmes, rencontrent Jésus. Mais cette fois-ci, dans un récit de guérison en Marc, c’est une équipe qui rencontre Jésus. Il y a aussi un individu, le paralytique guéri, et quelques scribes, mais les figures principales et anonymes sont celles de quatre porteurs. Le récit se retrouve en Matthieu (9, 1-9) et Luc (5, 17-26), mais il est plus développé et intéressant chez Marc.
La scène se passe à Capharnaüm, ville de Galilée, au nord et au bord du lac de Tibériade (mer de Galilée). Simon Pierre et André y habitent; leur maison est la base des activités de Jésus. Celui-ci rayonne de cette ville, où il revient (Mc 2,1-2; 9,33). Le contexte de son action est une prédication: Jésus leur annonce la Parole. La foule est nombreuse et tassée dans la maison de Simon. Et voici qu’une vie est changée : un paralysé, au début porté par des gens, à la fin marche vers sa maison.
Pour que cette transformation advienne, il a fallu plusieurs intervenants: l’équipe de quatre porteurs qui l’amène à Jésus, puis Jésus, et enfin le paralysé. Les premiers font face à un obstacle : à cause de la foule, ils ne peuvent passer par la porte de la maison pour amener le malade. Alors ils trouvent une solution inventive pour que le paralysé rencontre Jésus personnellement; ils passent par le toit! Le pardon, puis la guérison donnée par Jésus, ne sont pas ici rattachées à l’affirmation de foi du malade, mais à celle de la bande des quatre qui l’ont amené et porté: “voyant leur foi”. Nous n’avons pas d’information sur eux mais il est clair qu’ils sont très motivés et déterminés; leur foi les rend pro-actifs et ingénieux.
Nous n’arrivons pas à Jésus tout seul, à force de nos poignets. D’autres souvent nous y conduisent; c’est leur confiance qui nous porte quand nous-mêmes ne pouvons plus bouger. Mais le paralysé prend aussi sa part dans cette transformation. Jésus l’appelle à se lever, à prendre son brancard et à marcher. C’est à la fois l’action confiante de ses proches et la parole vivifiante de Jésus qui transforment la vie du paralysé. Il est maintenant capable d’aller et de réintégrer une vie normale, il se tient debout et marche. Cela dit la force de résurrection du Christ vivant, le Fils de l’Homme qui a pouvoir de pardonner et qui remet les gens dans leur dignité. Et cela dit le rôle central des personnes qui font le relais pour rendre accessible la parole qui pardonne et guérit. Ces actions conjuguées portent un fruit de vie renouvelée: l’homme prit aussitôt son brancard. Un élan de vie intense l’anime maintenant.
On pourrait croire que cette transformation va susciter l’étonnement joyeux de tous. Mais quelques scribes sont choqués par la parole de pardon de Jésus. Et pour cause! En pardonnant, Jésus rend Dieu très proche, tout près de la vie des gens et la transformant. Tout n’est pas figé dans l’irrémédiable. Ces scribes se sentent probablement menacés dans leur vision religieuse elle-même, où chacun a sa place précise et où celle de Dieu est bien au-dessus, ne pouvant quitter son éloignement sans risque de se dissoudre. Mais Jésus brise ici les frontières du sacré et ébranle un ordre du monde bien construit. Cette proximité du divin, qui remet debout, peut faire s’écrouler tout l’échafaudage de l’accès au sacré. Ces scribes seront conséquents avec eux-mêmes quand plus tard ils comploteront contre Jésus pour arrêter son rayonnement.
Nous voudrions parfois que nos vies soient entièrement entre nos mains, que nous puissions en contrôler le parcours et ne rien devoir à personne. Ou au contraire, nous ressentons nos vies comme un destin sans prise, une suite de fatalités auxquelles nous n’avons qu’à nous résigner, paralysés par notre histoire. Ces sentiments jouent dans notre vie de foi et notre perception de la présence de Dieu. L’exaltation de soi donne une spiritualité du mérite où tout dépend de ce que je fais; Dieu, tenu à distance, n’a qu’à donner son dû à ceux qui l’ont gagné. Le mépris de soi produit une spiritualité de l’inconsistance où nos efforts ne comptent pour rien; Dieu est si loin de nos misères sans rémission, sans importance.
Le récit de Marc vient questionner ces deux approches, qui nous déshumanisent et ignorent tant la vérité de notre condition que celle du don de Dieu. L’essentiel nous est donné et nous vient par des voies inattendues, passant par d’autres, amis, proches, enfants, aînés, qui ont foi plus que nous et nous portent au-delà, vers une vie nouvelle. L’appel de Jésus retentit et nous provoque; il invite à se lever mais aussi à prendre ce qui était le signe même de notre impuissance, le brancard, et à le porter au lieu que celui-ci nous porte. Dans ce récit, nous pouvons nous reconnaître dans le paralysé comme dans les scribes, mais aussi dans les porteurs qui ont amené l’homme à Jésus. Si nous-mêmes sommes portés par la foi des autres, nous pouvons à notre tour servir de porteurs, pour que d’autres rencontrent Jésus et accèdent à la parole qui transforme.
Images
Depuis l’Antiquité, à toutes les époques, ce récit a été mis en images. Il comprend plusieurs personnages, avec de l’action et du mouvement, et une entreprise de descente d’un paralysé par un toit, ce qui requiert un sens de la débrouillardise et une ingéniosité technique. Tout cela est visuellement intéressant! Des moyens picturaux très variés ont été utilisés pour le montrer: fresques, mosaïques, miniatures, peintures, gravures, vitraux, …
Le récit met en scène diverses figures : Jésus, la foule, les quatre porteurs, le paralysé, les scribes. Des éléments du paralysé peuvent varier : son âge, son vêtement, son style de brancard. Jésus, assis ou debout, est en position d’autorité et pose un geste; ses disciples sont souvent présents près de lui. Les porteurs anonymes peuvent être quatre ou moins, selon les possibilités de l’espace du cadre. Les scribes peuvent être plus ou moins mis en évidence.
Le récit se déroule dans une séquence de moments : le transport du paralysé, la rencontre de celui-ci avec Jésus et le pardon donné, le débat avec les scribes, la guérison du paralysé qui se lève et marche. Les œuvres peuvent se concentrer davantage sur l’un ou l’autre moment ou en inclure quelques uns. Le début et la fin retiennent davantage l’attention.
Cette histoire se passe dans une ville, Capharnaüm, et dans un lieu précis, la maison de Simon Pierre. La salle de la rencontre peut être agrandie, pour les besoins de mettre tous ces personnages, ou plus régulière, ce qui accentue la proximité. Ces éléments peuvent aussi n’être qu’évoqués.
Voici quelques œuvres, du 3e au 21e siècles, montrant ces figures, ces moments et ces lieux par divers procédés et styles.
- Fresque, 3e siècle, Yale University Art Library, New Haven, États-Unis. Cette fresque fait partie de celles découvertes à la Domus Ecclesiae (maison chrétienne) de Doura-Europos, en Syrie, lors des fouilles archéologiques de 1932. Cette maison aménagée pour le culte chrétien, vers 240-241, avait un baptistère et contenait les plus anciennes œuvres, connues, de l’art figuratif chrétien. Ces scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, formant un cycle narratif, avaient une fonction catéchétique. Celle-ci, au mur nord du baptistère, est la plus ancienne représentation d’un miracle de Jésus. Au centre, Jésus étend la main; c’est un jeune homme imberbe, comme il le sera surtout dans les œuvres de l’Antiquité. Pour le paralysé, jeune lui aussi, la scène est en deux temps : à droite, il est couché sur un brancard; à gauche, il est debout portant ce brancard.
- Mosaïques, 6e siècle, Basilique St-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne, Italie. Dans cette église ancienne, les nombreuses mosaïques offrent un enseignement visuel. Deux mosaïques portent sur notre récit. Jésus, figure jeune et nimbé, par son geste de bénédiction pardonne et guérit le paralysé qui tend les mains vers lui. Les porteurs le descendent du toit avec des cordages; une structure de maison est bien visible. Puis Jésus envoie ce jeune homme, debout et bien vêtu, portant son brancard. Dans les deux mosaïques, quelqu’un (un disciple?) accompagne Jésus; dans la première, sa main invite à regarder Jésus; dans la deuxième, près du cœur, elle dit la reconnaissance.
- Miniature, c.1020-1030, Codex Aureus Epternacensis, Musée National Germanique, Nuremberg, Allemagne. Ce manuscrit enluminé, écrit avec des lettres d’or, a été réalisé par le scriptorium de l’Abbaye d’Echternach, aujourd’hui au Luxembourg, sous l’Abbé Humbert; l’abbaye fut supprimée à la Révolution française. Jésus, encore jeune et nimbé, est assis et bénit le paralysé; Simon Pierre, dont c’est la maison, est avec lui. Les quatre porteurs, semblables, sont présents à droite, puis en haut tenant les cordages. Le paralysé est au centre, étendu sur son brancard, mains tendues vers Jésus; puis debout à droite, portant son brancard. En bas au centre, assis, les deux scribes qui questionnent et discutent. Des éléments architecturaux encadrent la scène. C’est une miniature, mais elle réussit à presque tout mettre!
- Mosaïque, 1179-1182, dôme, Cathédrale de Monreale, Sicile, Italie. Cette église est remplie de mosaïques de style byzantin. Celle-ci fait partie du cycle de la vie du Christ. Jésus, nimbé et barbu, est assis en majesté, comme un Pantocrator; sa main droite intervient auprès du paralysé, l’autre tient un rouleau de la Parole. Trois disciples sont derrière lui, dont Jean plus visible. Deux porteurs, en haut, tiennent les cordages. Le malade, assis dans son brancard en descente, tend les mains vers Jésus. À droite, face à Jésus, se trouvent les scribes, dont l’un plus jeune fait pendant à Jean. Là aussi des éléments architecturaux offrent un cadre; mais, en prime, le carrelage est à noter.
- Miniature, c.1190-1200, Bible de l’Abbaye St-Bertin, Ms 76, Bibliothèque Koninklijke, La Haye, Pays-Bas. Cette abbaye du 7e siècle était située à Saint-Omer au nord de la France; elle a subsisté jusqu’à la Révolution française. Son scriptorium a produit plusieurs manuscrits enluminés. Cette miniature est de la même époque que l’œuvre précédente, avec des points communs mais des différences. Jésus, assis et solennel, bénit le paralysé; celui-ci est en descente; les deux porteurs en haut tiennent les cordages; des éléments architecturaux sont suggérés. Mais le paralysé n’est pas tourné vers Jésus et son brancard est peu élaboré. L’accent est mis sur les scribes, qui prennent de la place et sont en train d’argumenter, avec une foule derrière eux.
- Matthäus Merian l’Ancien, gravure, 1625-1630, Bible de Merian, Lazare Stezner, Strasbourg. Graveur et éditeur suisse de Bâle, il a travaillé surtout à Francfort. Formé à Zurich, il a fait des séjours en France, aux Pays-Bas, en Allemagne. Homme religieux, il a illustré des Bibles, dont la traduction en allemand de Luther, d’où vient cette gravure. Il y a beaucoup de monde. Le lieu est une grande salle, avec trois fenêtres; et on voit au fond la foule massée à l’entrée. L’équipe des porteurs est au travail en haut. À gauche, Jésus auréolé voit leur foi; Pierre les regarde. Le paralysé, aux mains jointes, est en train d’atterrir; son visage est tourné vers Jésus. Plusieurs femmes sont présentes, habillées selon le style du 17e siècle. Les scribes sont quelque part.
- Bernhard Rode, gravure, 1780, site commons.wimedia.org. Cet artiste de Berlin, où il a travaillé, vient d’une famille de graveurs. Formé aussi à Paris et Rome, il a fait surtout des scènes historiques et il s’inscrit dans le courant des Lumières du 18e siècle. Ici, le paralysé est un costaud, plutôt lourd à porter. Le toit a été bien ouvert pour faciliter sa descente. On espère que les cordes vont tenir! Jésus est debout et en action. Les scribes, à l’avant, sont en discussion. Il y a aussi beaucoup de monde dans cette salle.
- James Tissot, c.1886-1894, Brooklyn Museum, États-Unis. Selon son usage, cet artiste français sait mettre en scène le contexte et l’action de façon vivante. Le défi de faire descendre le paralysé est bien montré, avec le travail coopératif et l’effort requis; plusieurs sont actifs, en haut et en bas. Les autres figures, dont Jésus assis, sont concentrées sur ce mouvement. Le lieu est plus modeste.
- Harold Copping, 1910, The Copping Bible, Religious Tract Society, London, Angleterre. Cet artiste britannique, originaire de Londres, a illustré la Bible. Ses oeuvres ont été et demeurent très populaires, par leur vivacité et leur sens du contexte. Comme dans l’œuvre précédente, la scène est très animée. Mais les porteurs ont fait leur travail; le paralysé est rendu en bas et se tourne vers Jésus, assis près de lui. Au fond, la foule est massée à l’entrée. Il est à noter la variété des figures présentes dans le lieu : des hommes et des femmes, et des gens de tous les âges.
- JesusMafa, c.1975, Collectif pour la catéchèse, Cameroun. Le récit est actualisé en contexte africain. Le toit est bien ouvert et le paralysé est descendu; on voit en haut la main d’un porteur. Jésus, debout en rouge, bénit l’homme. Là aussi, une foule variée est présente, avec plusieurs enfants. L’accent n’est pas mis sur les scribes. Ce qui est particulier dans cette scène, c’est le nombre de personnes qui sourient : c’est un événement joyeux!
- Joel Kirk Richards, 2001, site jkirkrichards.com, États-Unis. Cet artiste, né en 1976 dans le Utah, est membre de l’Église de Jésus-Christ des Saints-des-Derniers-Jours (Mormons). Il a fait beaucoup de scènes bibliques, dans un style personnel et inventif. La maison est intéressante avec ses nombreuses fenêtres et sa forme en demi-cercle. Plusieurs figures apparaissent ainsi devant nous, alors que d’autres sont à l’intérieur du lieu. La lumière, provenant du toit et des fenêtres, est posée sur Jésus et le paralytique tourné vers lui; leurs mains se rapprochent. Celui-ci est encore dans sa descente; les porteurs en haut le soutiennent. À droite, quelqu’un nous regarde, faisant le lien entre la scène et nous.
- John Armstrong, 21e siècle, Église St. George, Brighton and Hove, Angleterre. Ce peintre de Brighton, au sud de l’Angleterre, a plus de vingt œuvres dans cette église catholique. Son épouse Helen est aussi très engagée dans les réseaux d’artistes chrétiens. Ici, nous avons une scène-synthèse de récits évangéliques, dont la clé est Capharnaüm. On y voit le centurion romain et son serviteur guéri (ou l’officier royal et son fils! cf. chronique précédente), le chef de synagogue Jaïros avec son épouse et sa fille guérie, mangeant une pomme; évidemment le paralysé, rendu à terre, et les porteurs en haut; les scribes bien reconnaissables avec leur châle de prière et les Écritures de la Loi en mains; des disciples de Jésus derrière lui; sa mère Marie, nimbée, à droite à l’entrée; à gauche, portant des coupes, peut-être la belle-mère de Pierre guérie et en service… C’est une ville et une maison de pêcheurs, comme le filet au mur et le panier de poissons le rappellent. Le chat et l’enfant sous la table ajoutent une note de vie. Dans ce capharnaüm, il y a sûrement une place pour chacun-e de nous …
Daniel Cadrin, o.p.
Dessin à tracer et à colorier
Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier librement inspiré d’une représentation traditionnelle chrétienne orthodoxe.

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Merveilleux !Merci Manu et Daniel ! Anne Marie Forest (418) 714-4351 (Cell)
Très forte documentation; cela nous fait entrer dans l’événement et le miracle. Braavo et merci.