Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers de la guérison du sourd-muet!
À L’ÉCART, UN SOURD QUI S’OUVRE : Marc 7, 31-37
Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc – Chapitre 7
31 Jésus quitta le territoire de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole.
32 Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler et supplient Jésus de poser la main sur lui.
33 Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue.
34 Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! »
35 Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement.
36 Alors Jésus leur ordonna de n’en rien dire à personne ; mais plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient.
37 Extrêmement frappés, ils disaient : « Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
Commentaire de l’Évangile
Par Daniel Cadrin, o.p.
Dans les Évangiles, Jésus rencontre et guérit plusieurs personnes : des aveugles, des boiteux, des paralytiques, des lépreux, des muets. En Matthieu 15, 29-31, il est mentionné, en général, que Jésus guérit ces gens. En Mt 9, 32-34, il libère un muet qui se met à parler; en 12, 22, il guérit un aveugle-muet qui se met à parler et à voir. Mais qu’en est-il des sourds? En Mc 9, 17-29, Jésus libère un enfant possédé par un esprit sourd et muet; mais l’accent est mis sur la question de l’esprit impur. Finalement, c’est dans un récit propre à Marc (7, 31-37) que Jésus rencontre et guérit un sourd, qui parle difficilement. À la fin (v.37), les gens disent à propos de Jésus : « Il fait entendre les sourds et parler les muets ». Cela réfère à Isaïe (35, 4-6), annonçant le salut de Dieu qui vient.
Cette scène de guérison se passe à la frontière, en terre païenne (Sidon). Au centre du récit, se trouve la rencontre personnelle, à l’écart, entre Jésus et le sourd-muet. Comme il arrive fréquemment en Marc, plus que dans les autres évangiles, le contact physique de Jésus avec le corps des personnes en difficulté est souligné : il touche ses oreilles et sa langue, là où sont les blocages. Et voici que la communication est rendue possible, l’homme est délivré des liens qui le retenaient prisonnier en lui-même. Cette transformation lui permet, à l’époque, de redevenir pleinement membre de la communauté sociale et religieuse. Jésus accomplit un signe de libération, redonnant à quelqu’un sa dignité et sa place, transformant sa vie.
Cette guérison est pour Jésus un travail qui demande prière et effort. Il lève les yeux au ciel et il soupire, il gémit. Ce n’est pas un geste automatique et indifférent mais un engagement personnel, dans une rencontre intime avec l’autre. L’expression araméenne Ephphata, appelant à l’ouverture, est encore utilisée aujourd’hui dans la liturgie du baptême.
La recommandation finale, celle de la discrétion, se situe et se comprend à l’intérieur de l’ensemble de l’évangile de Marc, où l’identité messianique de Jésus est dévoilée progressivement. Jésus n’est pas seulement un guérisseur et il n’est pas une figure messianique de style royal. Le sommet de la révélation sera sur la croix. Pour éviter les ambiguïtés dans l’interprétation des signes, Marc invite à ne pas s’énerver trop vite et à poursuivre le parcours jusqu’au bout.
En Marc, ce récit est situé dans une section montrant le cheminement des disciples, qui ont de la difficulté à voir, à entendre et à témoigner. Les diverses guérisons disent la compassion de Jésus envers des personnes souffrantes mais aussi elles suggèrent les transformations auxquelles les disciples sont appelés. Devenir disciple de Jésus, c’est apprendre à écouter et à parler. Et cela se fait dans une rencontre personnelle avec Jésus le vivant, loin des foules.
Nous pouvons nous reconnaître dans ce sourd-muet et dans les disciples bloqués. Qu’est-ce qui nous empêche d’entendre les voix près de nous et au loin et de dire des paroles de vie? Qu’est qui bloque notre communication? À quelle ouverture Jésus nous appelle-t-il, par-delà nos surdités et nos mutismes, personnels et communautaires, familiaux et sociaux?
Peut-être avons-nous sur les oreilles des écouteurs qui ne répètent que nos propres mots et nous empêchent d’écouter les autres? Peut-être avons-nous sur la bouche un micro fermé où nous ne faisons que murmurer des sons inaudibles, ne parlant que de nous-mêmes? Ou peut-être simplement hésitons-nous à nous éloigner des foules pour entrer plus profondément en cet espace sacré où nous pourrions être touchés par celui qui fait entendre et parler.
Parfois, comme le sourd-muet, il faut nous laisser amener au Verbe de vie, par d’autres qui ont à cœur notre santé spirituelle. Il vaut la peine de leur faire confiance. Le Dieu vivant, que Jésus montre à l’œuvre, n’est pas un bureaucrate blasé ou un parent possessif. Il nous veut debout, capables de marcher et de voir, mais aussi d’entendre et de parler, dans la communauté humaine. Cela est réjouissant.
Comme le rappelait le pape François (Audience du 12 décembre 2023) : « Dans le baptême, le célébrant dit, en touchant les oreilles et les lèvres du baptisé : ‘Que le Seigneur Jésus, qui fait entendre les sourds et parler les muets, t’accorde d’entendre bientôt sa parole et de professer ta foi.’… Nous aussi, qui avons reçu l’effatà de l’Esprit dans le baptême, nous sommes appelés à nous ouvrir. »
Images
Les images de cette guérison ne sont pas surabondantes. Mais cet évangile est celui du 23e dimanche de l’Année B. Ainsi, dans les séries d’images qui couvrent le cycle de l’année liturgique, on peut le retrouver. Nous en verrons quelques unes dans celles présentées.
Par ailleurs, sur des sites où cet évangile est commenté, l’image associée au récit est parfois celle d’une autre guérison : un aveugle, un lépreux, un muet, etc. Il ne suffit pas que Jésus soit à l’écart avec un malade pour qu’il s’agisse de la guérison du sourd. Un autre critère est nécessaire : Jésus lui touche les oreilles et la langue.
Jésus voyage avec ses disciples; des gens amènent le sourd à Jésus; une foule est présente et réagit à la fin. Ces groupes peuvent être montrés, à proximité de l’évènement ou plus à distance. Dans certaines œuvres, on ne voit que Jésus et le sourd.
Jésus est montré dans son action guérissante, touchant le sourd. Celui-ci est habituellement un jeune homme. La scène se passe en territoire païen, vers la mer de Galilée, sans indication précise du lieu : ce contexte est rarement développé.
Voici quelques œuvres, du 9e au 21e siècle, de la Suisse à la Suisse.
- Meister von Müstair, fresque, c.830, Église de l’Abbaye Saint-Jean, Müstair, Suisse. L’église de ce monastère bénédictin, dans la vallée des Grisons, contient un ensemble de fresques bibliques, bien conservées, qui est unique pour l’époque carolingienne. Les deux disciples, à gauche, sont près de Jésus; à droite, une foule qui exprime son étonnement. Au centre, Jésus, nimbé et tourné vers nous, touche la langue du sourd-muet de sa main droite; sa main gauche tient le rouleau de la Parole. Le jeune homme, en mouvement, est penché vers Jésus.
- Mosaïque, 1315-1321, Église Saint-Sauveur-in-Chora, Istanbul, Turquie. Dans cette église de Constantinople, au nom ancien de Byzance, les nombreuses mosaïques montrent l’art byzantin à son sommet. Après la prise de la ville par l’Empire ottoman, qui en fait Istanbul, l’église devint une mosquée (1510) et les mosaïques furent recouvertes de chaux. En 1948, elle devint un musée et les mosaïques furent restaurées. En 2020, le Président Erdogan en a fait à nouveau une mosquée. Jésus et les deux disciples, Pierre et Jean, sont en mouvement, tournés vers le sourd, un jeune homme, avec sac et bâton, qui touche lui-même son oreille. Jésus, le Seigneur, bénit d’une main et tient dans l’autre le rouleau de la Parole.
- Miniature, 15e siècle, Codex Vindobonensis Palatinus 485,folio 86, Bibliothèque nationale autrichienne, Vienne, Autriche. Ce manuscrit, une vie illustrée de Jésus Christ, contient des extraits des Évangiles et des Actes, en langue tchèque, avec sous-titres en latin. Le style des miniatures est celui de la Bohème. Les disciples, nimbés et nombreux, sont proches de Jésus; Pierre tient précieusement en main un livre rouge, Jacques et Jean à ses côtés. La foule, nombreuse et chapeautée, accompagne le jeune sourd, qui a un bâton. Jésus, élégamment nimbé, touche son oreille et sa langue. Un arbre et quelques édifices sur un escarpement évoquent le lieu.
- Bartholomeus Breenbergh, 1635, Musée du Louvre, Paris, France. Ce peintre hollandais a travaillé à Rome, puis à Amsterdam. Il a abondamment peint les paysages italiens et les ruines antiques. Il y a beaucoup de monde dans ce tableau! Mais les gens à l’écart, à gauche, bien visibles, ne sont pas Jésus et le sourd mais une famille. Jésus, à droite, est entouré d’une foule et lève la tête vers le ciel; le sourd est agenouillé, avec son bâton par terre. D’autres figures de guérison sont présentes dans la scène : à l’avant un paralytique; près de Jésus, une femme aveugle et guidée. L’environnement est ici imposant et premier; c’est peu dire! Mais il est d’ailleurs : les ruines s’inspirent de celles de la Villa de Mécène, à Tivoli, près de Rome.
- Icône, 1908, Musée d’Art Radichtchev, Saratov, Russie. Cette icône a été commandée pour une école de sourds-muets; son iconographe est inconnu mais elle est datée. Saratov est une ville au sud-ouest de la Russie. En haut, se trouve le titre : La guérison du sourd-muet. En bas : de Marc chapitre 7 verset 31; les chiffres sont écrits en lettres cyrilliques. Le sourd est un jeune garçon; il tient une fleur dans la main droite, ce qui est singulier. Jésus, dont l’expression est plus douce que dans les Pantocrator habituels, a les yeux tournés vers le ciel et touche la langue et l’oreille du garçon. Les trois apôtres, Pierre, Jean et Jacques, sont derrière Jésus. En haut, à droite et à gauche, sont nichés deux saints dont les noms sont écrits mais qui restent à identifier.
- Steve Erspamer, 1993, Clip Art for the Year B, Liturgy Training Publications, Chicago, États-Unis. Cet artiste américain, qui a été un marianiste (s.m.) pendant trente années, est devenu bénédictin (o.s.b.) en 2005, à l’Abbaye de St. Meinrad en Indiana. Il y a pris le nom de frère Martin. Ses illustrations des évangiles, d’inspiration médiévale, couvrent tout le cycle liturgique des trois années. Jésus et le sourd sont seuls. Les deux sont pieds-nus. L’homme est agenouillé et plus âgé que les sourds habituels. Mais la guérison de sa surdité ne fera pas nécessairement repousser ses cheveux!
- Cerezo Barredo, 1999, site missale.net. Ce claretain (c.m.f.) espagnol a vécu dans plusieurs pays d’Amérique latine. Son oeuvre met en relief le peuple, ses espoirs et ses luttes. Il a été surnommé le peintre de la libération. Il a illustré tous les dimanches du cycle liturgique. La foule est présente, à gauche, au bord du lac, dans un paysage de montagnes. Jésus est à l’écart de la foule, avec le jeune homme sourd, dont il touche la langue et l’oreille.
- Elisabeth Wang, c.2000, site radiantlight.org.uk, Angleterre. Cette artiste britannique s’est convertie au catholicisme en 1968, quand elle était jeune adulte. Elle est décédée en 2016. Ses scènes bibliques ont des couleurs vives et des lignes simples. Ici, on ne voit que les deux figures de Jésus et du sourd, allongées et vêtues de tuniques. Aucun autre élément n’est ajouté. Jésus touche la langue et l’oreille, dans l’harmonie des couleurs.
- Richard Caemmerer, 21e siècle, site grunewaldguild.com, Leavenworth, État de Washington, États-Unis. En 1980, avec son épouse Liz, cet artiste et professeur en art, décédé en 2016, a fondé le Grünewald Guild. Ce centre, situé en campagne, offre des activités (ateliers, retraites, formations, …) portant sur les relations entre l’art, la foi et la communauté. On voit ici deux visages, expressifs, au regard intense, avec ombres et lumières; et les mains fortes de Jésus qui ressortent.
- Robert Theodore Barrett, 21e siècle, site achristianpilgrimage.wordpress.com, États-Unis. Cet artiste américain a illustré plusieurs livres religieux. Il est membre de l’Église de Jésus-Christ des Saints-des-Derniers-Jours (Mormons). Père de dix enfants, il a enseigné les arts à l’Université Brigham Young du Utah. La scène est située dans un cadre de route; le lac est proche. Jésus touche la langue et l’oreille du sourd, un homme adulte, qui le regarde. Les deux sont vêtus avec les mêmes couleurs.
- Ganesh Kelagina Shenoy, c.2015, site artist-ganesh-shenoy.tumblr.com, États-Unis. Cet artiste originaire de Mangalore, dans l’Inde du Sud, réside au Qatar. Il est membre de la Société théosophique. Son style s’inspire de l’expressionisme et des mosaïques. Le sourd, agenouillé, est vu de dos. Jésus, nimbé, lui touche les oreilles. Là aussi, les deux figures portent les mêmes couleurs.
- Berna, 2019, site évangile-et-peinture.org, Suisse. Les œuvres de Bernadette Lopez couvrent tous les dimanches du cycle liturgique, avec un grand sens des couleurs. Elle apparaît fréquemment dans cette chronique. On ne voit que le sourd, aux yeux grand-ouverts, et les mains de Jésus, vêtu de bleu. Celui qui va entendre et parler est un homme âgé, comme l’indiquent sa barbe et ses cheveux, dont le blanc s’allie à celui des ongles de Jésus. À tout âge, l’ouverture, l’effatà, est possible …
Daniel Cadrin, o.p.
Dessin à tracer et à colorier
Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, librement inspiré d’une ancienne icône russe.
Cliquer sur l’image pour l’agrandir et la sauvegarder!