Rencontres avec Jésus-Christ – La veuve au temple


Illustration librement inspirée d’une œuvre du peintre François-Joseph Navez

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers du regard qu’il pose sur la veuve et son obole au temple.

Une veuve admirée et des scribes blâmés: Marc 12, 38-44

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc – Chapitre 12

38 Dans son enseignement, il disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques,

39 les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners.

40 Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »

41 Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes.

42 Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie.

43 Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres.

44 Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

Dans notre dernière chronique, Jésus a rencontré une veuve à Naïm avec son fils. Il leur a redonné vie et dignité. Aujourd’hui, Jésus critique des scribes puis exprime son admiration pour une veuve qui est pauvre.

Les évangiles insistent sur le regard de Jésus. Ses yeux sont ouverts, il observe tous ces gens qu’il côtoie sur les routes et dans les villages, sur les places et dans les maisons, dans les synagogues et au temple. Ses enseignements reposent sur une fine analyse des humains, de leurs comportements et de leurs motivations, de leurs pratiques et de leurs attitudes profondes. Il saisit vite les incohérences et les déviations, comme aussi les quêtes et souffrances, et l’authenticité des démarches.

Ici, c’est au temple, au cœur de la vie religieuse du peuple, qu’il partage ses observations sur les scribes et sur une veuve. Elles expriment, à propos des scribes, une mise en garde critique. Jésus les a vus sur les places, dans les synagogues et aux banquets de fête. Ils sont d’ailleurs très visibles, ils aiment être vus!

Qu’est-ce que Jésus leur reproche? Les scribes ont une connaissance plus développée des Écritures et de la tradition religieuse. Le problème n’est pas là; on peut en dire autant de Jésus lui-même. Mais leur rapport à la religion est faussé. Celle-ci vise à vivre en alliance avec le Dieu vivant et avec les autres. Elle est ouverture et don de soi, comme Jésus en témoigne par sa vie. Mais ces scribes utilisent leur statut socio-religieux à leur profit. Au centre de leurs gestes, c’est eux-mêmes qu’on trouve. Dieu et autrui ne sont pas là. Il n’y a ni ouverture ni don. La vie en alliance est brisée, elle est absente. Aussi Jésus les blâme franchement et fortement, comme les prophètes l’ont fait avant lui.

Puis, dans la deuxième partie, Marc nous montre Jésus directement en train de regarder et d’observer de gens au temple. Ses yeux sont grand ouverts, il remarque ce que d’autres ne voient pas. De nombreux riches mettent beaucoup dans le tronc. Pas de commentaire là-dessus; ils servent de contraste pour mettre en lumière celle qui est dans l’ombre. Qui fait attention à une veuve pauvre, sans importance sociale, qui ne met dans le tronc que quelques sous? Une personne triplement marginale dans la société du temps : femme, veuve, pauvre. Son geste est insignifiant aux yeux de la majorité.

Et pourtant, Jésus exprime sa grande admiration de cette femme. Il fait son éloge. Elle a donné plus que les autres : elle n’a pas donné son superflu mais sa subsistance, son être même. Il voit sa générosité, son don radical. Elle est profondément religieuse, femme de l’alliance. Il y a dans son don un dépouillement de soi. Elle est le contraire même des scribes.

Ce récit est touchant. Mais il est plus qu’une anecdote, nous montrant la capacité de Jésus de regarder au plus profond du cœur des personnes. En Marc, il termine la montée de Jésus à Jérusalem. Après, ce sera le discours final sur les derniers temps, puis la Passion. Le don total sur la croix. Cette veuve pauvre est aussi une image de Jésus. Elle dit le visage de Jésus, lui qui va se donner entièrement, sans réserve, lui qui va se dépouiller de tout ce qu’il possède, de sa vie même. La femme veuve pauvre l’annonce, elle le pré-figure.

Autour de nous, ou au plus loin, bien des personnes discrètes, qu’on ne remarque pas, qui ne sont pas considérées, sont des icônes de Jésus le Vivant. Elles témoignent d’un don généreux, d’une ouverture au mystère de Dieu et des autres. Elles donnent leur temps, leurs ressources même minimes, sans calculer et sans rechercher leur avantage. Des gens en apparence faibles et ordinaires mais qui révèlent la puissance et la grandeur du Dieu aimant, qui est don. Les voyons-nous? Nos yeux sont-ils bien ouverts, pour voir? Qui ai-je vu-e qui ressemble à la veuve? Je peux aussi me demander : en quoi je reconnais, en moi, les scribes, et aussi la veuve?

Images

Dans l’iconographie chrétienne, la veuve de l’obole au temple est présente depuis l’Antiquité. Elle s’est particulièrement développée au 19e siècle. Dans les éléments auxquels notre regard est invité à porter attention dans les oeuvres, il y a d’abord la veuve elle-même. Son âge : elle peut être jeune, ou une femme âgée, ou entre les deux. Sa condition : elle peut être mère, avec des enfants, ou seule. Son habillement : elle peut être vêtue très simplement ou plus élégamment.

Les autres personnages mentionnés dans le récit sont Jésus et les disciples, plus ou moins nombreux, et les scribes et les riches, présentés en contraste avec la veuve. La scène se passe au temple de Jérusalem, dans le parvis des femmes, auquel ont accès femmes et enfants et où se trouvent plusieurs troncs pour déposer les offrandes. Ce lieu peut être montré avec détails : son architecture, les diverses personnes qui y circulent, et ses objets dont le tronc, dont la forme varie. Ou il peut être simplement évoqué.

Voici des œuvres provenant de différentes régions et se rattachant à différentes Églises.

  1. Mosaïque, 6e siècle, Basilique St-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne, Italie. Cette église antique contient plusieurs mosaïques, offrant un enseignement visuel sur la vie de Jésus. La veuve, tournée vers nous, dépose ses sous dans un tronc. Jésus, jeune et nimbé, invite à la regarder et la bénit. Il est bien mis, avec de fines sandales; ses vêtements sont de la même couleur que ceux de la femme, établissant un lien. L’autre figure, qui accompagne Jésus, est présente dans plusieurs mosaïques : ce disciple, barbu et vêtu de blanc, de sa main invite à porter attention à Jésus. Il est une sorte de présentateur.
  1. Gerbrand van den Eeckhout, 17e siècle, Collection privée, Pays-Bas. Ce peintre et graveur d’Amsterdam, de famille mennonite, fut un élève et un proche de Rembrandt. Il peint comme lui : le style, les couleurs, les costumes. Jésus parle aux disciples et leur montre la veuve. Celle-ci est une femme âgée, avec une canne et un petit chien. En haut, des scribes sont installés. Le cadre du temple est bien montré. La lumière éclaire Jésus et la veuve.
  1. François-Joseph Navez, 1840, Collection privée, Belgique. Ce peintre de Charleroi a été formé à Bruxelles, puis à Paris avec Jacques-Louis David et à Rome. Très célèbre à son époque, il a fait des portraits et des scènes historiques et mythologiques. Il y a du monde au temple! La veuve est au centre avec ses deux enfants et dépose sa monnaie dans le tronc. Jésus est à droite, avec ses disciples. Plusieurs figures féminines se trouvent à gauche. Le style néo-classique se voit dans le souci de l’équilibre des formes, des couleurs et de la lumière.
  1. Alphonse Colas, 1863, Musée du Louvre, Paris, France. Ce peintre de Lille, où il a passé sa vie, a été formé à Lille et à Rome. On trouve plusieurs de ses oeuvres dans les églises de la région. Comme professeur, il a formé de nombreux artistes. L’œuvre est centrée sur la veuve, vêtue de couleur foncée, avec son enfant endormi, déposant la monnaie dans le tronc. À l’arrière, Jésus la donne en exemple à ses disciples. Les colonnes du temple sont visibles.
  1. Gustave Doré, gravure, La Sainte Bible, traduction nouvelle selon la Vulgate par MM. J.-J. Bourassé et P. Janvier, Alfred Mame et Fils, Tours, 1874, France. Originaire de Strasbourg, ce peintre, graveur et sculpteur, demeure le plus illustre des illustrateurs de la Bible. Vivant à Paris à partir de quinze ans, il publie ses dessins dans les revues et journaux et illustre de nombreux livres classiques. Fin observateur et innovateur dans ses approches, il ré-invente l’art de l’image qui parle, avec un sens de la mise en scène et du mouvement. Cette gravure est encore la plus utilisée pour le récit de la veuve au temple; on en trouve des versions colorées. Le temple est évoqué par le mur et la colonne. Jésus nimbé, à l’arrière avec ses disciples, désigne la veuve du doigt. Un scribe opulent et sûr s’apprête à mettre un don. La femme, seule, met son obole. Cette pauvre est bien vêtue? Elle porte des vêtements donnés, comme me l’a fait remarquer une religieuse travaillant avec des femmes de milieu pauvre.
  1. João Zeferino da Costa, 1876, Musée National des Beaux-Arts, Rio de Janeiro, Brésil. Ce peintre brésilien a été formé à Rio et à Rome. S’inscrivant dans le courant néo-classique, il a fait des paysages, des portraits, des murales, ainsi que du design. Ici, il y a encore plus de monde au temple! Jésus nimbé, de ses mains montre la veuve à ses disciples. Celle-ci, vêtue de noir, avec un enfant nu, dépose son obole. À côté d’elle, se trouve un prêtre corpulent, chargé d’accueillir les donateurs et de vérifier l’offrande (détail historique exact). Plusieurs figures d’âge et de style différents sont présents. Le temple offre un cadre imposant, avec une immense colonne et des inscriptions en hébreu. Le ciel est entrevu à l’arrière.
  1. James Tissot, c.1886-1894, Brooklyn Museum, États-Unis. Selon son usage, ce peintre français, qui est familier de la Bible et de la Terre Sainte, est attentif au texte et à son contexte. Nous sommes à l’entrée du temple. Diverses figures sont présentes. Jésus est assis en face du tronc (v.41) et regarde. La jeune veuve vient de déposer ses piécettes et, avec son enfant dans ses bras, elle se tient devant nous, autres regardants. La scène, bien composée, est simple et vivante.
  1. JesusMafa, c.1973, Collectif pour la catéchèse, Cameroun. Dans cet ensemble de scènes évangéliques, le contexte est celui du peuple Mafa, au nord du Cameroun; les illustrations finales ont été réalisées par l’artiste Bénédicte de la Roncière. Le contraste est bien montré entre les deux figures : l’homme riche, vu de dos, en souliers et bien vêtu, qui dépose sa monnaie d’or dans le tronc; et la veuve, vue de face, au vêtement usé et pieds nus, tenant son enfant et portant un panier, qui dépose ses centimes. Jésus à droite, en rouge, commente la scène à ses disciples. Un ancien avec un bâton regarde avec méfiance ou étonnement. On voit un mendiant à l’entrée du temple.
  1. Icône, 21e siècle, St.George Coptic Orthodox Church, Toledo (Ohio), États-Unis. Cette icône fait partie d’un ensemble iconographique d’une église de la tradition copte orthodoxe, originaire de l’Égypte. À gauche, Jésus est assis, entouré de ses disciples; tous sont nimbés; de la main, il désigne la veuve. Celle-ci, au centre et vêtue de bleu foncé, dépose une pièce de monnaie dans le tronc, tenant l’autre dans sa main gauche. Les scribes et d’autres figures se tiennent à droite. Le tout est situé dans un cadre architectural avec colonnes et rideaux.
  1. Paul Mann, 21e siècle, site churchofjesuschrist.org, États-Unis. Cet illustrateur est membre de l’Église de Jésus-Christ des Saints-des-Derniers-Jours (Mormons). Jésus est avec deux disciples, à l’arrière et regardant. Il est vu de front, droit et solide, comme en d’autres œuvres de cet artiste. La veuve, une femme âgée, est en gros plan à l’avant, déposant sa pièce dans le tronc.
  1. Inconnu, 21e siècle, site seedsoffaith-cph,org, États-Unis. Ce site se rattache à la Concordia Publishing House, qui relève de l’Église luthérienne du Missouri. Jésus est debout à l’arrière avec deux disciples et souriant, ce qui n’est pas fréquent! La veuve suscite son admiration. Celle-ci est une femme très âgée; son visage et ses mains portent les marques du temps. Sa main gauche tient les deux pièces de monnaie, presque rendues dans le tronc. Le temple est clairement montré.
  1. Melani Pyke, site melpyke.com, 21e siècle, Canada. Cette artiste, originaire de Brantford en Ontario, vit près de Niagara Falls. Elle est membre de l’Église évangélique missionnaire; l’art est sa façon d’annoncer l’Évangile. Elle crée aussi des murales et vitraux pour des lieux publics. Le temple est suggéré. Jésus est avec un disciple et désigne la veuve. Celle-ci, une femme d’âge moyen, dépose ses deux pièces dans le tronc, avec concentration. À quoi pense-telle? Je peux m’approcher pour mieux saisir ou essayer de me mettre à sa place …

Daniel Cadrin, o.p.


​Dessin à tracer et à colorier

Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, librement d’une œuvre du peintre François-Joseph Navez.

Cliquer sur l’image pour l’agrandir et la sauvegarder!


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