Rencontres avec Jésus – Marie à Cana

Illustration : Adaptation numérique d’une ancienne fresque

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers du regard de Marie.

MARIE À CANA, ATTENTIVE ET CONFIANTE : Jean 2, 1-12

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean – Chapitre 2

01 Le troisième jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là.

02 Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples.

03 Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »

04 Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »

05 Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »

06 Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres).

07 Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord.

08 Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent.

09 Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié

10 et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »

11 Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

12 Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils demeurèrent là-bas quelques jours.

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

Le commentaire qui suit a paru dans la chronique Marie des Écritures de la revue Notre-Dame-du-Cap, juillet-août 2022, p.12 : « Notre-Dame de la Fête ». Je parle de Marie, mais dans l’Évangile de Jean, elle est appelée « la mère de Jésus », sans nom.

… La mère de Jésus est invitée à une noce à Cana, près de Nazareth. Jésus est aussi présent, avec ses disciples. Mais c’est Marie qui est d’abord mentionnée : c’est elle qui a la connexion pour cette invitation!

Marie, femme d’initiative

C’est la première fois que Marie apparaît dans l’Évangile de Jean. Jésus va accomplir son premier signe. La prochaine fois, Marie sera au pied de la croix, pour le signe ultime (Jn 19, 25-27). Mais ce premier signe, changer l’eau en vin, Jésus ne l’accomplit pas de lui-même avec empressement. C’est Marie qui prend l’initiative. Elle est attentive et remarque qu’on manque de vin. Et elle le dit à Jésus comme un appel : regarde, fais quelque chose, c’est une noce et le vin manque! 

Jésus lui répond que son heure n’est pas venue. Mais Marie continue d’être proactive. Elle dit aux servants de faire de ce que Jésus dira. Elle ne se contente pas de la remise à plus tard. Pour elle, l’heure de la nouveauté, c’est maintenant. Les gens sont en besoin et Marie ose faire confiance : du neuf peut advenir, la réalité n’est pas figée dans le manque. Puis Jésus va passer à l’action.

Marie, femme de l’Alliance nouvelle

L’eau changée en vin provient des jarres de purification : c’est une façon de parler de l’Alliance ancienne. L’eau devient du vin : l’Alliance est renouvelée. Et le signe est réjouissant : c’est un vin très abondant et de grande qualité. Les noces, la fête, le vin : ce signe annonce que Dieu va se faire proche dans son Messie Jésus et son Alliance nouvelle. Son règne sera joie et communion en abondance. Et c’est Marie qui donne l’heure juste à Jésus. Le rôle de ce premier signe est indiqué à la fin du récit : aider les disciples de Jésus à croire en lui. Pour que le noyau premier se constitue, qui deviendra une communauté. Marie participe, ici aussi, à la naissance de l’Église.

Marie voit les besoins des gens et elle fait confiance en Jésus. Elle nous invite à porter attention aux situations et à miser sur les capacités de changement. À quelle personne ou quel groupe pourrais-je faire voir un besoin, dans la confiance en son action? Et qu’est-ce qu’il nous faudrait commencer maintenant, sans plus attendre, qui serait signe de vie nouvelle?

Sainte Marie, Notre-Dame de la Fête, apprends-nous à faire notre part pour que des signes de joie et d’amitié adviennent dans nos milieux et familles. Et aide-moi à reconnaître les signes autour de moi pour que ma foi en Jésus grandisse. Amen.

Images

Les images de ce récit sont très nombreuses et se retrouvent aux diverses époques, déjà depuis l’Antiquité. C’est un sujet intéressant à mettre en scène, à rendre visible : une noce et des invités, un repas festif et du vin abondant, des éléments symboliques, avec Marie et Jésus au centre. Différents aspects peuvent être soulignés, auxquels porter attention.

Le cadre de la noce peut être plus ou moins développé : le lieu et son environnement, le nombre d’invités et d’intervenants, la table et les mets offerts, les objets nécessaires à cette fête et au signe, … Le moment du récit à montrer peut varier, entre l’initiative de Marie et son échange avec Jésus, le travail des serviteurs avec Jésus, la gustation du vin nouveau et les réactions, l’effet du signe sur les disciples.

Les personnages centraux sont Marie et Jésus, mais plusieurs autres sont mentionnés : le couple qui se marie, les serviteurs, le maître du repas, les convives, les disciples de Jésus. On peut tous les inclure ou se concentrer davantage sur quelques uns. Prenant aussi en compte le cadre de la noce et le moment du récit.

Le signe accompli produit une grande abondance : les six jarres d’eau deviennent du vin, soit de 500 à 700 litres! Il y avait peut-être beaucoup de monde à cette noce! En plus, ce n’est pas de la piquette mais du vin de grande qualité. Cela parle du passage de l’Alliance ancienne à la nouvelle, du Règne de Dieu et de la vie qu’il donne en qualité et abondance; rien de mesquin mais la générosité. Le bon vin de la fête annonce les derniers temps, le grand banquet, où Dieu invite tous les peuples autour de la table pour une fête avec des vins capiteux (Is 25,6). Comment exprimer toute cette dimension symbolique des Écritures, la faire pressentir visuellement? C’est le défi de l’art sacré.

Voici diverses œuvres qui ont fait des choix, en regard du cadre, du moment, des personnages et des symboles, pour essayer de rendre visible cette sainte histoire.

  1. Sarcophage, c.300-325, Musée Pio Christiano, Vatican, Italie. Le récit de Cana est fréquemment représenté dans les sarcophages des chrétiens des premiers siècles, où se trouvent les premières œuvres d’art chrétien. Celui-ci comprend plusieurs scènes de la vie de Jésus et de l’Ancien Testament. On trouve habituellement aussi la multiplication des pains : ainsi jarres de vin et paniers de pain, évoquant l’eucharistie. Deux personnages sont retenus : Jésus et le maitre du repas, autour des jarres. Les deux ont un rouleau en main gauche, signe de leur autorité. Les jarres sont petites et Jésus a aussi en main droite le bâton du thaumaturge, indiquant sa puissance d’accomplir des miracles : ces deux éléments seront modifiés par la suite. Sa figure est celle d’un jeune homme, comme dans les œuvres de cette époque.
  1. Miniature, c.1000, Évangéliaire d’Otton III, Bayerische Staatsbibliothek, Munich, Allemagne. Ce manuscrit enluminé a été fait par le scriptorium de l’Abbaye de Reichenau pour Otton III, le jeune empereur du Saint Empire. Dans cette miniature, presque tous les personnages sont présents. Jésus à la table, Marie devant lui, le serviteur avec les six jarres alignées; aussi à table, le marié et la mariée et le maitre de repas. Les disciples ne sont pas présents : seuls Marie et Jésus sont nimbés. La figure de Jésus reprend celle de l’Antiquité.
  1. Giotto di Bondone, fresque, c.1304-1306, Chapelle Scrovegni, Padoue, Italie. Cette scène de Cana fait partie des 53 fresques, dont 23 sur la vie du Christ, que Giotto et ses assistants ont réalisées à Padoue. Cet ensemble est considéré comme la grande œuvre de Giotto et une œuvre majeure dans l’art occidental. Avec des personnages humains et expressifs, dans une approche artistique innovatrice. Le marié est au centre, entre son épouse et Marie. Le mariage est ainsi mis en valeur et soutenu par la présence de Jésus et Marie; cela exprime une position théologique. La présence de Jésus à gauche est plus discrète que celle de sa mère. Les deux sont nimbés ainsi qu’un disciple âgé (Pierre, Nathanaël?). Jésus semble bénir le repas. À droite, à l’avant, le serviteur avec les jarres; puis le maitre du repas, rondelet, qui apprécie le bon vin; cela ajoute une touche d’humour à la scène!
  1. Vitale da Bologna, fresque, c.1360-1361, abbaye Pomposa, Codigoro, Italie. Ce peintre de Bologne, marqué par Giotto et Martini, a réalisé avec son atelier un vaste ensemble de fresques sur les Écritures et les saints dans l’église de ce monastère bénédictin près de Ferrare. Ici, presque tous les éléments du récit sont intégrés. À droite, Marie indique à Jésus le besoin; celui-ci a les bras levés pour intervenir. Les serviteurs remplissent les jarres. À gauche, le maitre du repas goute le vin et commente. Au centre, les mariés semblent plus concentrés sur l’un et l’autre que sur le repas. Ils sont nimbés, faisant écho à des courants médiévaux les identifiant comme Jean l’apôtre et Marie Madeleine, Jean ayant la même figure qu’en d’autres fresques. Cette possible union choquera et sera critiquée au 16e siècle, après le Concile de Trente et le plus grand contrôle ecclésial sur les images. Contrairement aux idées courantes, ce contrôle était moindre au Moyen Age; l’époque moderne est plus stricte.
  1. Juan de Flandres, 1500, Metropolitan Museum of Art, New York, États-Unis. Ce peintre flamand, formé probablement à Ghent, a travaillé en Espagne à la cour de la reine Isabelle de Castille. Son style est sobre et élégant, avec le sens du détail. Cette œuvre fait partie du Polyptique d’Isabelle la catholique, retable qui comprenait 47 petits panneaux qui ont été dispersés ou perdus. L’encadrement est très géométrique et tout le monde se tient droit. L’ambiance est un peu rigide; ce n’est pas l’aspect festif de la noce qui ressort ! À gauche, Jésus bénit et Marie le regarde; au centre, le couple; à droite, le maître du repas et un serviteur avec les jarres. Marie et la mariée ont les mains jointes. La table est dégarnie; il n’y a pas encore de couverts. Au mur du fond, se trouve un miroir, fréquent dans l’art flamand. À l’extérieur, à gauche, est-ce un disciple ou le peintre lui-même?
  1. Paolo Caliari dit Veronèse, 1563, Musée du Louvre, Paris, France. Ce peintre de Vérone s’installe à Venise en 1553. Il aura par la suite une influence sur la peinture comme telle. Cette œuvre est sa plus célèbre. Cet immense tableau (6.77 × 9.94 m), fait pour le réfectoire d’un monastère bénédictin de Venise, y a été enlevé par l’armée de Napoléon en 1797 (depuis 2007, s’y trouve une copie de même taille). Il comprend 130 personnages, avec des expressions diverses : ici, les abondants litres de vin ont pu être tous utilisés! Au centre, Jésus préside avec Marie : les deux sont nimbés et Marie indique du doigt son verre vide. Des disciples sont proches. À gauche, en avant au bout de la table, les nouveaux mariés et le maitre du repas debout devant eux; la mariée nous regarde. À droite, les jarres; en avant au centre, les musiciens et leurs instruments de l’époque. Ici et là, des serviteurs au travail. À noter : la richesse et la variété des vêtements, d’occident et d’orient. Plusieurs personnages sont des figures historiques du monde politique, religieux et artistique. L’encadrement architectural comprend des éléments de l’Antiquité et de la Renaissance, avec un ciel ouvert au fond. C’est très animé; des gens sont en mouvement, en haut sur les côtés et au milieu. C’est vraiment une fête, une noce joyeuse. Mais aussi avec des indications de ce qui viendra : au-dessus de la tête de Jésus, un agneau est découpé; près des musiciens, un sablier. Cette fête ne sera pas sans fin.
  1. Julius Schnorr von Carosfeld,1819, Musée Kunsthalle de Hambourg, Allemagne. Cet artiste de Leipzig, formé à Vienne, vient d’une famille de peintres. Luthérien engagé, il a fait partie du mouvement nazaréen, né à Vienne, marqué par la Renaissance et le souci d’un renouveau de l’art religieux; ce mouvement artistique et spirituel regroupait des protestants et des catholiques. Carosfeld a fait une Bible en images. Dans cette œuvre de jeunesse (25 ans), les six jarres sont bien alignées à l’avant. Jésus, entouré de Marie et Jean, s’adresse aux serviteurs. Au centre, deux disciples, l’un debout et l’autre à genoux (Pierre?). À droite, les nouveaux mariés littéralement trônent, le maître du repas à leur côté; à l’avant, les musiciens. Le cadre est enchanteur : une architecture ouverte, avec des montagnes à l’arrière et des feuillages au centre. Les convives sont nombreux et bien mis, mais sérieux; c’est festif mais dans la dignité!
  1. Vladimir Makovski, 1887, Musée Régional de Vitebsk, Biélorussie. Cet artiste de Moscou, où il a été formé, vient aussi d’une famille de peintres. Il a enseigné à Saint-Pétersbourg. Avec réalisme et vivacité, et incluant une critique sociale, ses oeuvres montrent la vie du peuple et des événements qui l’affectent. Elles étaient admirées de l’écrivain Dostoïevski, qui appréciait son amour de l’humanité. Dans celle-ci, la scène se passe à l’extérieur de la maison et de sa terrasse. Jésus intervient auprès d’un serviteur, occupé aux jarres; un puits ouvert est tout proche. Marie est derrière Jésus; le maitre du repas est devant lui, bien droit et bien mis. Convives, disciples et serviteurs sont présents. À l’entrée, des chaussures sont déposées. Comme dans l’œuvre précédente, le cadre allie architecture et nature, avec des arbres et feuillages.
  1. Arcabas, 1999, Sanctuaire Notre-Dame-de-la-Salette, La Sallette-Fallavaux (Isère), France. Dans ce sanctuaire marial, haut-lieu de pèlerinage, le grand artiste chrétien a fait plusieurs œuvres sur une période de vingt ans. Celle-ci, magistrale, est située dans l’allée latérale droite. Elle comprend plusieurs scènes et inclut les divers éléments du récit de Cana. En haut au centre, Jésus avec une coupe de vin préside le repas et bénit; à droite, debout, Marie esquissant un sourire et les jeunes mariés, très élégants; à gauche, un disciple. En bas, Marie donne les consignes aux serviteurs, avec un enfant présent; ceux-ci remplissent les jarres; puis le maitre du repas goûte le vin. S’il y avait une autre scène, qui y mettrions-nous?
  1. Inconnu, 2016, site chrétiensaujourd’hui.com, Lyon, France. Ce site, crée en 2010 par un groupe de chrétiens de Lyon et rattaché aux Éditions Yeshoua, offre divers documents et outils sur la Bible et la vie chrétienne. Ici, pour Cana, dans une version moderne, nous avons un joyeux banquet de noce, dans une grande salle, avec les mariés au fond et, en haut à droite, les musiciens. Les convives sont nombreux, répartis en plusieurs tables. À gauche, le groupe des disciples; à droite, un serviteur et d’immenses jarres; les nombreux serviteurs portent un même habit vert. Et au centre, debout dans l’allée, Jésus et Marie. Le maître du repas est peut-être à la table de droite. En fond de scène, les grandes fenêtres laissent voir le paysage. Le vin circule et l’ensemble est très vivant.
  1. Lyuba Yatskiv, icône, 2017, site iconart.com, Ukraine. Originaire de Lviv et formée en art sacré, qu’elle enseigne, cette iconographe est membre de l’Église gréco-catholique ukrainienne. Son approche, tout en s’inscrivant dans la tradition, est innovatrice, entre autres par le choix des couleurs et le dessin. Une de ses icônes de Marie Mère de Dieu était dans la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. Ici, le rouge du vin prédomine (coupes, jarres, vêtements, fond). Les mariés sont couronnés, selon la tradition orthodoxe. Les mains sont centrales : celles du couple sont unies et portent la coupe; par elles, Marie s’adresse à Jésus et montre le manque; avec elles, Jésus intervient et bénit. À droite, la main du maître du repas indique l’interrogation; celles de disciples portent la coupe; à gauche, un serviteur tient en main une jarre d’eau.
  1. Pierre Lussier, pastel, 2021, Faites tout ce qu’il vous dira, site racef.art, Canada. Cet artiste de Québec, membre du Racef, est apparu déjà dans cette chronique. Ici, approche plus rare pour Cana, nous avons seulement les deux figures principales, Jésus et Marie, en plus de grandeur nature. Sans décors ni objets, sauf les fleurs de la fête et les couleurs (rouge et bleu) célébrant leur alliance. Jésus regarde Marie, qui regarde ce qui se passe, avec attention et confiance. Les deux sont liés par le toucher de la main. L’artiste dit de Marie et de Jésus : C’est comme si elle voyait ce que lui-même n’a pas encore découvert. À nous d’ouvrir nos yeux, sur nous-mêmes et sur les autres, et sur l’année nouvelle qui commence …

Daniel Cadrin, o.p.


​Dessin à tracer et à colorier

Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, librement inspiré d’une ancienne fresque.

Cliquer sur l’image pour l’agrandir et la sauvegarder!


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