Rencontres avec Jésus – Matthieu

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers de l’appel de Matthieu!

LA VOCATION DE MATTHIEU LE PUBLICAIN : Mt 9, 9-13

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu – Chapitre 9

09 Jésus partit de là et vit, en passant, un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de collecteur d’impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit.

10 Comme Jésus était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) et beaucoup de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples.

11 Voyant cela, les pharisiens disaient à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? »

12 Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades.

13 Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

La nouvelle année liturgique va commencer avec l’Avent. Ce sera l’année de l’Évangile selon Matthieu. Allons voir le récit de l’appel de Matthieu, un des Douze apôtres (envoyés). Appeler en latin se dit vocare, d’où le mot vocation. Un récit de vocation nous montre les origines de l’engagement d’une personne dans une mission (un envoi). Par quoi cela débute-t-il? On pourrait s’attendre à ce que l’appel de Jésus soit l’élément déclencheur. Cet appel est bien présent, mais tout commence d’abord par autre chose : par le regard de Jésus. ll voit cet homme qui a un nom, Matthieu, qui n’est pas anonyme. Il voit cet homme, comme il est, avec sa quête et ses attentes, ses dons et ses blessures. Un homme, en plus, qui a un métier mal réputé, celui de publicain, collecteur d’impôt, qui en fait un pécheur public, comme Zachée. Mais Jésus le voit; il voit en lui plus que Matthieu et les autres ne peuvent voir; et il l’appelle à le suivre. Ce regard de Jésus revient tout au long des évangiles; c’est un fil conducteur auquel il est inspirant de porter attention.

Jésus voit Matthieu et il va le chercher en plein coeur de son activité, assis à son bureau. Non dans une expérience étrange, un lieu bizarre, ou des circonstances extraordinaires. Mais simplement au beau milieu de son travail quotidien. C’est là que Jésus le voit, c’est là que l’appel se fait entendre. C’est là qu’il continue de se faire entendre aujourd’hui. C’est là que des regards nous voient, des voix nous appellent, nous interpellent, visages du Christ vivant qui continuent d’appeler des personnes à le suivre. Quels que soient notre situation, notre métier, nos origines, notre récit de vie. Un nouveau chapitre s’y inscrit : notre récit de vocation.

Qu’est-ce qui arrive ensuite à Matthieu? Deux dynamiques, assez différentes mais liées, vont se mettre en mouvement et changer la vie de Matthieu. Il se lève et suit Jésus. Matthieu vit une rupture : il quitte des lieux, des relations, des activités pour suivre Jésus. Il change de position, il n’est plus assis mais debout et en marche. Il quitte son univers immédiat pour entrer dans le monde de Jésus, pour devenir son disciple, marcher à sa suite.

Mais autre chose advient, qui est aussi transformateur : Jésus entre dans le monde de Matthieu. Jésus et ses disciples vont manger dans la maison de Matthieu, ils vont chez lui. Jésus et sa communauté entrent dans l’univers de Matthieu, dans son monde personnel, son réseau de relations, avec ses gens pas corrects, exclus. Devenir disciple de Jésus, c’est non seulement laisser des réalités pour nous déplacer vers lui. C’est laisser entrer Jésus dans notre monde à nous, l’y inviter, dans notre maison comme elle est, avec ses marges, ses péchés, ses difficultés; le laisser entrer dans notre monde pour qu’il soit source de vie nouvelle.

Quand Jésus entre dans une maison, il brise des frontières et il rapproche des gens. Suivre le Christ, c’est vivre des ruptures et, en même temps, c’est vivre des nouvelles intégrations et permettre au Christ vivant d’être partagé avec d’autres dans notre univers. Mais cela surprend, cela dérange les scribes. Jésus leur répond qu’il est venu non pour les bien- portants mais les malades. Et il ajoute une citation du prophète Osée (6,6) qui dit l’essentiel : c’est la miséricorde que je veux.

Cette citation donne une clef pour toute vocation, dans ses débuts et ses continuités, dans son défi de fidélité : tout au long de la vie, la vocation est une affaire de miséricorde. Vocation de laïque, de religieux, de prêtre, de célibataire ou de couple; mission au service de la Parole, de la Justice, de la Fraternité, de la Beauté ou de la Célébration. Une miséricorde, découverte, accueillie, perdue et retrouvée, au fil des jours et des années. Une miséricorde qui nous appelle à nous lever, à laisser notre monde immédiat, mais une miséricorde aussi qu’il faut laisser entrer dans notre maison pour qu’elle vienne nous visiter et être une source de questionnement et de vie nouvelle. Une miséricorde qui vient du Dieu vivant et que le visage de Jésus, sa personne et son mystère, vient révéler au plus intime de nos vies.

Chez les Dominicains, quand nous faisons notre profession religieuse, cet acte de don de soi qui nous engage, la première question qu’on nous pose est celle-ci : Que demandez-vous? Et nous répondons : La miséricorde de Dieu et la vôtre. C’est la première chose à demander et recevoir; et aussi à redemander et accueillir toute notre vie, pour que le récit de notre vocation se poursuive, d’une année à l’autre, de commencements en recommencements.

Images

Dans l’iconographie, cette scène est présente aux diverses époques mais particulièrement aux 16e – 17e siècles. Comme elle se passe au bureau de travail de Matthieu, elle offre la possibilité de présenter ce lieu de façon plus ou moins détaillée, avec ses objets et son environnement. Les deux figures centrales sont Jésus et Matthieu, mais on y ajoute d’autres personnages : des collègues de travail, des clients, des curieux, des disciples, des serviteurs; parfois un chien assiste à la scène.

Jésus appelle Matthieu et celui-ci répond à l’appel. Cela suppose une interaction entre les deux, que l’artiste peut faire ressortir de diverses manières : par le regard de l’un et l’autre, par la main étendue de Jésus et celle tournée vers soi de Matthieu, par un geste de Matthieu (se lever, se déplacer). La deuxième partie du récit, le repas chez Matthieu, est moins montrée mais n’est pas absente, même si elle n’est pas incluse dans cette chronique.

Voici quelques œuvres, majoritairement des 16e -17e siècles et dont certaines proviennent de la région Pays-Bas et Flandre.

  1. Miniature, c. 980, Codex Egberti, Bibliothèque municipale de Trèves, Allemagne. Les 51 miniatures de ce manuscrit ont été réalisées par des moines de l’abbaye bénédictine de Reichenau pour l’archevêque de Trèves, Egbert. Matthieu est assis à son bureau, avec une balance pour calculer. Jésus, nimbé et jeune, selon le modèle antique, l’appelle en tendant la main vers lui; son autre main tient le livre de la Parole. Il est accompagné de Pierre et André.
  1. Orcagna (Andrea di Cione), 1367-1368, Galleria degli Uffizi, Florence, Italie. Élève de Giotto, ce peintre et sculpteur, mosaïste et architecte, est à son époque l’artiste majeur de Florence. Il a commencé cette œuvre en 1367 et il est mort l’année suivante; c’était une commande de la Guilde des changeurs de monnaie, dont Matthieu est le saint patron. Elle a été continuée par son frère, Jacopo di Cione. Elle comprend trois panneaux présentant quatre scènes de la vie de Mathieu, dont celle-ci. Jésus, tenant en main le livre de la Parole, est accompagné de quatre disciples, dont Pierre en tête (avec la clef). Il a appelé Matthieu qui quitte son bureau pour le suivre.
  1. Vittore Carpacio, 1502, Scuola di San Giorgio degli Schiavoni, Venise, Italie. Élève de Gentile Bellini, ce peintre fut lui aussi, à son époque, un artiste majeur de sa ville, Venise. Il est marqué par l’art flamand, avec son attention aux scènes de la vie quotidienne. La scène se passe à l’extérieur. Les édifices et paysages sont ceux de Venise et sa région. La foule est compacte. Matthieu, bien vêtu, prend la main de Jésus, dont Pierre et Jean sont proches.
  1. Cornelis Engebrechtsz, c.1515, Gemäldgalerie, Berlin, Allemagne. Ce peintre néerlandais, formé à Bruxelles et Anvers, a vécu et travaillé à Leyden. Il a formé plusieurs artistes. Il se situe dans la tradition de l’art flamand, avec ses scènes de genre et son sens des détails. Il fut un des premiers à utiliser l’huile. D’un côté, on voit Jésus avec plusieurs disciples. De l’autre, Matthieu dans son bureau, avec ses assistants et les objets pour son travail. Il se lève : il va quitter ce monde pour rejoindre l’autre côté. Le petit chien le suivra-t-il?
  1. Marinus van Reymerswaele, 1530, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid, Espagne. Cet autre peintre néerlandais a été influencé par Quentin Metsys et Albert Dürer. Il s’est spécialisé dans les scènes de genre avec collecteurs d’impôt, changeurs de monnaie. Dans celle-ci, on voit les documents qui s’empilent, à droite, en haut et en bas. Les mains de Jésus et de Matthieu sont peintes avec finesse. Au centre en haut, dans le cadre, sont écrites les références pour ce récit dans les Évangiles, ce qui est pratique!
  1. Le Caravage, 1600, Chapelle Contarelli, Église Saint-Louis-des-Français, Rome, Italie. Cette oeuvre est l’une des peintures les plus célèbres au monde. Matthieu ne peut pas se plaindre! Pour l’avoir vue plusieurs fois, et de près, je peux dire qu’elle est vraiment très impressionnante. Dans la chapelle, se trouvent aussi deux autres œuvres du Caravage sur la vie de Matthieu : son inspiration et son martyr. La main de Jésus désigne et appelle Matthieu, assis à son bureau. La lumière suit ce mouvement. Par sa main tournée vers lui-même, Matthieu dit : c’est bien moi? De l’autre main, il tient encore l’argent. Nous sommes au début de l’appel. Deux jeunes hommes élégants sont au centre, autour de la table; un plus âgé à gauche, avec lunettes. Pierre est devant Jésus : comme médiateur ou s’interposant? Les interprétations ont circulé. Contrairement aux autres, Jésus et Pierre n’ont pas de chaussures. Dans une œuvre de sa dernière année (1609), Le Caravage reprend la main tendue : elle appelle Lazare à la vie, de façon saisissante (cf. chronique Marthe et Lazare : croire et ressusciter).
  1. Hendrick Terbruggen, 1618-1619, Musée d‘art moderne André Malraux, Le Havre, France. Peintre néerlandais d’Utrecht, il a séjourné dix ans à Rome où il a pris contact avec les œuvres du Caravage, dont il est devenu picturalement un disciple. Il s’installe par la suite à Utrecht. Marqué par le clair-obscur, le sens dramatique et le réalisme, il demeure toutefois un créateur original qui sera admiré de Rubens et Rembrandt. Ici, comme chez Caravage, mais du côté gauche, le Christ étend la main vers Matthieu, à la table, qui tourne une main vers lui-même et tient l’argent de l’autre. Pierre est derrière Jésus. Un jeune homme élégant est assis au centre; en parallèle, à sa droite, un vieil homme à lunettes. Au fond, des papiers sont accrochés au mur.
  1. Jacob van Oost, 1641, Groeningemuseum, Bruges, Belgique. Ce peintre flamand de Bruges a séjourné cinq ans à Rome. Il revient à Bruges dont il devient le peintre majeur à son époque. Il est influencé par Le Caravage et par Van Dyck. Le Christ intervient à gauche; il est au niveau de la rue. Le jeune élégant, en rouge comme lui, semble sur le point de se lever : est-il Matthieu? Ce serait plutôt l’homme plus âgé en noir, à la table, qui regarde le Christ et tourne la main vers lui-même, comme dans les œuvres qui précèdent. Plusieurs figures féminines sont présentes; celle de droite nous regarde.
  1. Juan de Pareja, 1661, Musée du Prado, Madrid, Espagne. Ce métis de Malacca, fils d’une esclave et d’un espagnol, fut l’esclave du grand peintre Diego Velasquez, qui en avait hérité de sa tante et qui l’affranchit en 1650. Il travailla dans son atelier et devint son assistant. Il acquit une maitrise picturale, comme cette œuvre le montre. Matthieu, assis à table, main tournée vers lui-même, est à côté du Christ debout. La scène est animée, plusieurs personnages sont présents : clients, assistants, serviteurs, disciples. À gauche, debout et tenant un papier, l’artiste s’est placé, reconnaissable grâce au portrait qu’en a fait Velasquez (1649); il nous regarde.
  1. Alexandre Bida, 1873, dessins, Les Saints Évangiles, Hachette et Cie, Paris, France. Né à Toulouse, élève de Delacroix, ce peintre orientaliste a voyagé et séjourné en plusieurs pays du Moyen-Orient. Il a aussi illustré la Bible. La scène se passe dans la rue, dont les édifices et installations sont présentés avec précision. Jésus, accompagné de quelques disciples, appelle Matthieu à le suivre. Celui-ci a ouvert la porte de son bureau; il est en sortie.
  1. William Hole, 1906, The Life of Jesus of Nazareth: Eighty Pictures, London, Eyre & Spottiswoode, Angleterre. Ce peintre et graveur écossais, qui s’inscrit dans le courant préraphaélite, a illustré la Bible. Il a voyagé en Terre Sainte et il est très attentif au paysage et au contexte. La scène est très vivante, elle se passe à Capharnaüm, au bord du Lac de Galilée. On voit les barques de pêcheurs et diverses activités; un soldat romain est présent. Jésus rejoint Matthieu en plein travail; celui-ci, à sa table, se lève et regarde Jésus.
  1. Jorge Santana, 2017, site musesquare.com, Mexique. Cet artiste mexicain reprend des œuvres existantes et les transforme en utilisant des technologies numériques. Il en retravaille des parties pour accentuer un aspect, le présenter dans un autre style, ou montrer ce qu’il peut cacher. Cette œuvre-ci, qui reprend celle du Caravage, est de très grand format. À l’ère numérique, l’appel à suivre Jésus peut résonner encore, sous d’autres voix et formes…

Daniel Cadrin, o.p.


Dessin à tracer et à colorier

Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, librement inspiré de peintures traditionnelles.


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