Rencontres avec Jésus – La belle-mère de Simon

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers de la guérison de la belle-mère de Simon.

Multiples rencontres, dont une belle-mère : Marc 1, 29-39

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc – Chapitre 1

29 Aussitôt sortis de la synagogue, ils allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André.

30 Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade.

31 Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.

32 Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons.

33 La ville entière se pressait à la porte.

34 Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.

35 Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait.

36 Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche.

37 Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. »

38 Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »

39 Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

Marc nous présente Jésus au début de son ministère, dans le cadre d’une journée. C’est une journée bien remplie! Il exerce des activités diverses. Durant le jour, il est actif à la synagogue (1, 21-28) pour enseigner et chasser un esprit impur; puis, dans une maison pour guérir une femme malade. En soirée, c’est une séance de guérisons et exorcismes à la porte de la ville. En fin de nuit, il se retire pour prier au désert. Puis au matin, reprise de la prédication pour une autre journée pleine.

Ainsi, nous voyons Jésus circuler en divers lieux de vie et d’expérience humaine. Il quitte la synagogue, lieu religieux central, pour aller dans une maison privée, lieu de relations. Puis il se trouve au cœur de la vie de la cité, avec des gens rassemblés. Ensuite, il se retire en un lieu désert. En finale, il repart ailleurs, dans les villages voisins. Il parcourt toute la région et retourne dans les synagogues. La Bonne Nouvelle circule vraiment : c’est Jésus lui-même, présent et agissant en chacun de ces lieux.

Dans cette variété de lieux et de temps, Jésus rencontre toutes sortes de gens et guérit plusieurs malades, dont la belle-mère de Simon (Pierre). Cela se passe dans la maison familiale de Pierre et de son frère André, à Capharnaüm. Cette ville et cette maison sont importantes pour le ministère de Jésus : c’est son quartier-général, d’où il part et où il revient. Il a quitté Nazareth, sa ville d’origine, où il a été élevé, pour se lancer dans une mission qui déborde son monde immédiat.

Le récit de la guérison de la belle-mère est bref mais dense. Les quatre premiers disciples de Jésus sont avec lui, deux couples de frères : Jacques et Jean, Pierre et André. La femme est couchée et fiévreuse. Jésus lui prend la main et la fait lever. Elle est maintenant debout, comme une ressuscitée. Et cette transformation l’amène à se mettre en service (diaconie). Le vocabulaire est précis et suggestif. Il condense la vie chrétienne : la rencontre avec Jésus nous relève, nous donne une vie nouvelle, et nous met en service des autres. Jésus prendra aussi la main d’une jeune fille morte, qui va se lever et marcher (Mc 5, 41-42).

Puis, Jésus chasse des esprits mauvais: des personnes retrouvent alors sens, confiance et responsabilité dans leur milieu. Jésus pose des gestes qui remettent les gens debout, dans leur consistance humaine. Mais aussi Jésus se retire à l’écart pour prier, pour renouveler son intimité avec le Dieu vivant et faire circuler la vie au plus profond de lui, pour qu’elle puisse circuler chez les autres. Jésus poursuit ensuite sa route, proclamant la Bonne Nouvelle, prêchant une Parole qui donne horizon et espérance.

Souvent, pour nous, cette diversité de lieux, de temps et d’activités est vécue comme une tension. Nos vies personnelles et sociales se déroulent fréquemment en morceaux détachés. Il n’est pas facile d’en saisir le fil conducteur.  Dans le récit de Marc, la Bonne Nouvelle est capable de circuler dans tous les lieux de la condition humaine, publics et privés, religieux et profanes, collectifs et intimes, et d’y être source de vie nouvelle. Elle se promène et touche l’un ou l’autre en journée, en soirée, de nuit, le matin. Ces activités sont présentées comme se soutenant, s’appelant l’une l’autre, gestes libérateurs, retrait contemplatif, parole annoncée. Elles ne sont pas des morceaux parallèles. Et la rencontre de Jésus suscite le service de la communauté.

Cet Évangile nous invite à faire circuler et à laisser circuler, avec des approches diverses, une espérance vive en des lieux et milieux, touchant toutes les dimensions de l’existence humaine. Chacun de nous, par lui-même ou elle-même, ne peut assumer toute cette diversité de présences et d’actions. Nous avons besoin les uns des autres pour réaliser cette journée bien remplie! Il importe alors de nous retrouver ensemble pour que les morceaux quittent leur détachement et dessinent un visage, forment un corps, celui du Christ vivant et de sa Bonne Nouvelle en mouvement. Quels sont les lieux de mes activités et retraits, et les connexions entre eux? Avec qui pourrais-je réaliser une journée bien remplie? Et quelle rencontre a fait naître et se développer en moi, en nous, le sens du service?

Images

Pour les images de cette journée bien remplie de Jésus, nous nous en tiendrons à la guérison de la belle-mère de Pierre. C’est un récit précis et qui a été montré au long des siècles sous des formes diverses : mosaïque, fresque, peinture, gravure, dessin, illustration, comme on le voit dans les œuvres qui suivent.

Un premier point d’attention : quelles figures sont présentées dans l’image? Il y a d’abord Jésus et la belle-mère, puis Pierre et d’autres disciples. On peut ajouter aussi des gens qui sont dans l’entourage. En certaines œuvres, la maison est bien remplie! Mais en d’autres, seuls Jésus et la femme, et parfois Pierre, sont présents.

La scène se passe dans la maison de Pierre et André à Capharnaüm. Celle-ci peut être bien visible comme espace de la guérison ou seulement évoquée. Parfois, la guérison advient à l’extérieur de la maison, ou en l’absence de tout environnement bâti.

Les images soulignent le contact entre Jésus et la femme, avec ou sans autres figures. Mais elles ne montrent pas les conséquences de cette rencontre sur la vie de cette femme, qui se met à servir (diaconiser). Pourtant, cela est signifiant dans le récit évangélique. On ne peut tout montrer.

Voici quelques œuvres, aux formes variées, du 10e au 21e siècle, depuis l’Île de Reichenau sur le Lac de Constance jusqu’à la ville de Kalispell dans le Montana.

Miniature, 980-990, Codex Egberti, fol. 22v, Bibliothèque municipale de Trèves, Allemagne. Ce lectionnaire a été fait par le scriptorium de l’Abbaye bénédictine de Reichenau pour Egbert, archevêque de Trèves. Il comprend 51 miniatures de la vie du Christ. Jésus, nimbé et solennel, tend la main vers la belle-mère, qui tend la main vers lui. Elle est étendue sur une natte verte; Pierre se tient derrière elle, main ouverte. Quatre disciples sont présents à gauche. Pierre et les disciples sont pieds-nu. À droite, la maison est évoquée par l’édifice en fond-de-scène.

Mosaïque, c.1310-1317, Église Saint-Sauveur-in-Chora, Istanbul, Turquie. Cette église byzantine du 12e siècle contient un remarquable ensemble de mosaïques et de fresques. Après la prise de Constantinople, elle fut transformée en mosquée en 1511 et les murs recouverts de chaux. Après des travaux de restauration, elle devint un musée ouvert au public en 1958. Elle est redevenue une mosquée en 2020. Jésus, là aussi nimbé et solennel, tenant en main gauche le rouleau de la Parole, prend la main droite de la femme, qui déjà se relève depuis son long lit. Pierre est à son côté, main ouverte. La maison est derrière eux. À gauche, deux disciples sont derrière Jésus, parlant entre eux. Les figures sont placées dans un V, ce qui les rapproche de Jésus, qui est plus grand.

Fresque, c.1340-1350, Église du Monastère Visoki Decani, Kosovo. Cette immense église médiévale relève de l’Église orthodoxe-serbe. Elle comprend de nombreuses fresques. Dans celle-ci, il y a beaucoup de monde! Jésus est le Maître, avec le rouleau de la Parole, mais il est en mouvement; il se penche vers la femme dont il prend la main. Celle-ci, dans un lit imposant, se relève et nous regarde. Pierre est derrière elle, suivi des onze autres apôtres. À gauche, neuf figures regardent et commentent l’événement. Les vêtements et les couleurs sont raffinés. Le tout est situé dans une architecture élaborée.

Jacques de Bie, gravure, c.1598-1618, Musée des Beaux-Arts de Gand, Belgique. Cet artiste d’Anvers fut un numismate et un graveur. Il a travaillé aussi à Bruxelles et Paris. Cette gravure fait partie d’une série sur la vie du Christ, réalisée avec quatre autres graveurs, à partir des œuvres du peintre flamand Maerten de Vos (1532-1603). Jésus prend la main de la femme, assise sur un lit; Pierre derrière elle la soutient. Ces trois figures sont entourées par dix autres, en conversation. À droite, sept personnes sont à table dans une salle, pendant qu’une femme prépare le repas. L’intérieur de la maison est montré avec détails. Elle est grande et bien équipée. Au plafond, trois bougies; à droite, le feu du foyer.

Rembrandt van Rijn, dessin, c.1658-1660, Fondation Custodia, Paris, France. Plusieurs œuvres de maitres flamands et néerlandais se retrouvent dans ce musée. Ce dessin de Rembrandt fut réalisé durant une période difficile de sa vie, où il connut des deuils et des pertes de succès et de revenus. Ici, on ne voit ni environnement ni meubles, pas de disciples et de foule : on ne voit que Jésus et la femme. Jésus la prend par ses deux mains, pour la soulever, pour la relever. L’essentiel est montré.

John Bridges, 1839, Birmingham Museum of Art, Angleterre. Cet artiste anglais a peint plusieurs portraits de figures du monde social et universitaire. Il a réalisé cette œuvre à 21 ans et il est décédé à 36 ans. En plus de la belle-mère et de Jésus, nous avons ici plusieurs personnes : sept autour d’elle, dont le jeune Jean à gauche, Pierre à droite, et deux autres disciples (tous nimbés); et cinq, dont un enfant dans les bras de sa mère, qui arrivent à l’arrière à droite. Une femme est toute proche de la belle-mère : probablement sa fille, épouse de Pierre. La femme malade est non à terre, mais étendue sur un lit. Jésus est imposant, il est plus grand que les autres. Leurs mains se rapprochent. Les couleurs et la lumière sont travaillées.

James Tissot, c.1886-1894, Brooklyn Museum, États-Unis. Ce peintre français, fréquemment présent dans cette chronique, a vécu en Terre sainte et est attentif à l’environnement. Ici, nous avons Jésus et la femme, ainsi que Pierre comme témoin. La femme est à terre sur une natte. Jésus la prend par les deux mains, comme chez Rembrandt, l’invitant à se lever. Nous voyons seulement le visage de Jésus; les deux autres sont vus de dos. Mais il y a aussi un autre témoin, sur la balustrade : un chat noir aux aguets! La scène se passe à l’extérieur de la maison, bien bâtie en pierres, à l’entrée de celle-ci ou plutôt dans une cour, avec pavages.

Inconnu, 20e siècle, A Busy Day at Capernaum, Vintage Bible Illustrations, site archive.org/details/vinBibleilluscolor2, no 13. Ce site offre diverses illustrations bibliques appartenant au domaine public. Dans celle-ci, la belle-mère de Pierre est une femme âgée, ce qui est rare. L’autre femme, aux côtés de Pierre, est émue; c’est probablement sa fille, épouse de Pierre. Les deux sont inquiets. Jésus, en blanc, prend la main de la femme visiblement malade et l’appelle à se lever. La scène se passe dans la maison, avec fenêtre donnant sur un paysage galiléen.

Berna, 2012, site evangile-et-peinture.org, Suisse. Bernadette Lopez offre une image vive et inspirante des évangiles de chaque dimanche des trois années du cycle liturgique. Ici, Jésus en bleu est assis près de la belle-mère de Pierre, encore étendue sur le sol; il prend soin d’elle. À l’arrière, quatre figures dont un couple avec un enfant, probablement Pierre et son épouse; et André le frère de Pierre. La présence d’une famille évoque la maison. Le tout est situé dans une richesse de couleurs qui éclatent et annoncent la résurrection.

James L. Johnson, 2018, site jamesjohnsonart.com, États-Unis. Cet artiste du Montana fait des œuvres religieuses ainsi que des paysages. Ici, la scène est centrée sur Jésus et la femme, qui a l’air jeune. Elle est déjà relevée, souriante et pleine de reconnaissance, comme son regard l’exprime, envers Jésus qui lui tient la main. Les deux sont vêtus de blanc. Quatre autres figures sont présentes, discrètement, dont l’une près de la femme. Et peut-être aussi, vous et moi, étonné-e-s et invité-e-s à nous lever et à servir …

Daniel Cadrin, o.p.

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