Rencontres avec Jésus – La foule

Une illustration inspirée de peintures de Giotto et de Lorenzetti

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers de la foule qui le célèbre!

UNE FOULE EN FÊTE, QUI ACCUEILLE JÉSUS : Jean 12, 12-19

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean – Chapitre 12

12 Le lendemain, la grande foule venue pour la fête apprit que Jésus arrivait à Jérusalem.

13 Les gens prirent des branches de palmiers et sortirent à sa rencontre. Ils criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le roi d’Israël ! »

14 Jésus, trouvant un petit âne, s’assit dessus, comme il est écrit :

15 Ne crains pas, fille de Sion. Voici ton roi qui vient, assis sur le petit d’une ânesse.

16 Cela, ses disciples ne le comprirent pas sur le moment ; mais, quand Jésus fut glorifié, ils se rappelèrent que l’Écriture disait cela de lui : c’était bien ce qu’on lui avait fait.

17 La foule rendait témoignage, elle qui était avec lui quand il avait appelé Lazare hors du tombeau et l’avait réveillé d’entre les morts.

18 C’est pourquoi la foule vint à sa rencontre ; elle avait entendu dire qu’il avait accompli ce signe.

19 Les pharisiens se dirent alors entre eux : « Vous voyez bien que vous n’arrivez à rien : voilà que tout le monde marche derrière lui ! »

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

Jésus a circulé en Galilée, en Samarie et en Judée. Il a rencontré plusieurs personnes et groupes qui ont été touchés par lui ou ont gardé leur réserve. Tout au long, ses disciples l’accompagnent et apprennent à mieux le connaître. Mais à plusieurs occasions, Jésus a eu des contacts avec des foules : pour leur enseigner, les nourrir, les interpeller. L’une de ces rencontres fut spéciale : la foule l’a accueilli joyeusement, comme un roi, un Messie. C’est son entrée à Jérusalem qui, on le sait, sera suivie par sa Passion et sa mort en croix. Mais, au moins, il y eut ce moment de reconnaissance festive.

Ce récit se retrouve dans les quatre évangiles, ce qui n’est pas fréquent. Pour cette scène, les synoptiques (Matthieu 21,1-11; Marc 11,1-11; Luc 19,28-40) ont beaucoup en commun, particulièrement les préparatifs plus détaillés. En Jean, l’approche est différente et il commente l’événement (v.16-18). À la fin, Luc (19,39) et Jean (12,19) mentionnent la réaction des Pharisiens; Matthieu (21,11) celle des foules; et Marc aucune, sauf Jésus qui poursuit son parcours (11,11). Mais les quatre ont en commun l’arrivée sur un âne et l’accueil par la foule, avec ses acclamations et leur dimension messianique. En Matthieu, il y a une ânesse et un ânon (21,2), alors que chez les autres, seulement un âne.

Un personnage royal fait son entrée et la foule l’acclame : Ils prirent des branches de palmier et sortirent à sa rencontre. Et ceux qui précédaient et qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient, le roi d’Israël ! » (Jn 12 12-13). Enfin il vient,ce Messie qu’elle attendait, ce Roi, fils de David, qui va instaurer le Royaume. La foule est prête à le suivre. Nous aussi nous avons déjà accueilli avec enthousiasme ce Jésus qui entrait dans nos vies. Enfin, nos vies seraient transformées. Hosanna ! Et pourtant, cette entrée triomphale sera suivie par la défaite et l’abandon, comme le récit de la Passion le montre.

La question est posée : quel genre de Messie est Jésus ? Quelle est sa voie, que nous la suivions ? Une réponse est donnée dans le signe de l’âne réalisant la prophétie de Zacharie (9,9). Le Roi qui vient n’est pas un puissant, un guerrier ; il n’arrive pas sur un cheval, un char d’assaut ou un char allégorique. II est humble, porteur de paix : il arrive à vélo ! Voici un Messie singulier. Son Royaume risque d’être surprenant.

Cette réponse va se dévoiler plus totalement avec la suite des événements et le drame de la Passion. Ce drôle de Messie sera arrêté, jugé, exécuté. Et la foule ne l’acclamera plus quand elle verra en lui un roi sans empire, dépouillé et désarmé. Ce n’est pas le Messie qu’elle attendait. Confuse, elle se laissera manipuler par ses chefs qui sauront lui montrer le danger que représente ce pseudo-roi. Sur les voies rapides, à côté des camions et des autos, une bicyclette ne fait pas le poids.

Pourtant, par la suite, certains membres de la foule comprendront le sens profond de cette étrange entrée (v.16). Ils reviendront à ce Jésus quand une lumière unique les aura éclairés et que leurs yeux se seront ouverts. Mais il leur aura fallu passer de l’acclamation à la peur et à la déception avant de reconnaître en lui celui qu’ils espéraient, au-delà de leurs premières attentes. Sa voie deviendra pour eux chemin de vie, sur lequel avancer sans lourds bagages, sans moyens imposants, à la suite d’un Messie qui préfère voyager à dos d’âne.

Ce début de la Passion nous invite à refaire les cheminements de notre foi, depuis les premiers enthousiasmes jusqu’aux déceptions et abandons pour déboucher sur des retrouvailles lumineuses au matin de Pâques. Ces tâtonnements sont toujours à reprendre pour redécouvrir l’incroyable singularité de Jésus. Nos premiers hosannas ne sont que le début d’une route dérangeante, sur les pas d’un Messie qui renverse nos attentes d’un triomphe spectaculaire sous les applaudissements des médias.

Quand on peut rouler en sécurité, sans connaître la poussière des routes, il ne va pas de soi de suivre un Messie à vélo. II y a tellement de pressions à prendre les autoroutes plutôt que les sentiers. Pourtant, à suivre les traces de ce Messie pacifique, une vie nouvelle nous est promise, où voir des paysages pacifiants, où faire des rencontres inespérées.

Images

L’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem se trouve sur les sarcophages chrétiens les plus anciens. Elle est présente dès les origines de l’art chrétien et elle le demeure tout au long de son histoire, sous diverses formes.

Plusieurs figures et figurants interviennent dans cette scène : Jésus, ses disciples, une foule avec des enfants et des adultes, un âne et parfois un ânon. Le lieu est signifiant : c’est à l’entrée de la ville. L’action est joyeuse et entraînante, avec des gens qui se déplacent, des cris, des chants et des acclamations, des vêtements placés sur la route, des branches d’arbre agitées. L’architecture de la ville peut être plus ou moins développée : portes, tours, habitats, rues. La foule peut être nombreuse ou évoquée seulement par quelques personnes.

L’expression du visage de Jésus est souvent réflexive, concentrée : il médite sur l’événement et sur ce qui s’en vient. Parfois, il est plutôt attentif à ce qui se passe autour de lui. Jésus peut chevaucher l’âne, ce qu’on trouve habituellement dans l’art occidental, ou plutôt être assis de côté, ce qui caractérise l’art oriental.

Un élément, que l’on voit surtout aux périodes antique et médiévale, est un arbre (olivier) où des enfants ou des adultes sont juchés. Cela peut exprimer la curiosité et la fête mais aussi évoquer la figure de Zachée (Lc 19,4), dont la montée dans un arbre en Luc précède de peu l’entrée à Jérusalem; comme si, après l’accueil de Jésus, Zachée était retourné dans son arbre pour mieux voir!

Voici des entrées, sculptées ou assemblées, peintes ou écrites, depuis le 4e siècle jusqu’au 21e.

  1. Sarcophage, marbre, 4e siècle, Musée du Vatican, Rome. Les chrétiens de l’Antiquité aimaient que l’entrée festive à Jérusalem accompagne leur passage. Comme le sarcophage d’Adelphia (c.340, Syracuse) et celui de Junius Bassus (359, Rome), celui-ci montre un Jésus jeune, imberbe, avançant sur un âne; des vêtements sont déposés en hommage et une figure est juchée dans un arbre. C’est une entrée impériale mais sans arme ni signe de puissance. Ici, plusieurs personnes sont présentes, dont des enfants; et l’un des disciples couronne Jésus d’une guirlande. Dans cet espace retreint, c’est une scène en mouvement.
  1. Miniature, c.550, Codex Purpureus Rossanensis, Musée diocésain de Rossano, Calabre, Italie. L’Évangéliaire de Rossano, un manuscrit en grec des Évangiles de Matthieu et Marc, sur parchemin pourpre, est originaire d’Antioche en Syrie et fut amené à Rossano, au 9e siècle. Il comprend 15 miniatures de la vie de Jésus, de style byzantin. Jésus, assis de côté sur l’âne, avance en bénissant; Pierre et Jean le suivent. Des jeunes mettent des vêtements par terre; un groupe d’adultes, rameaux en mains, l’accueille. Des enfants sont à la porte; dans la ville, avec ses tours, des gens acclament Jésus avec des rameaux. Deux figures sont grimpées dans un arbre. Pour une miniature, c’est bien rempli!
  1. Mosaïque, c.1140-80, Chapelle Palatine, Palerme, Sicile, Italie. Cette splendide chapelle du 12e siècle, dans le Palais des Normands, est couverte de mosaïques byzantines. Jésus avance, là aussi assis de côté, comme le Pantocrator, solennel et nimbé, bénissant d’une main et tenant de l’autre le rouleau de la Parole. Ses disciples l’accompagnent : Pierre à droite, avec aussi un rouleau; Jean, puis les autres qui suivent derrière. Des enfants étendent des vêtements sur le sol; l’un est en train même d’enlever le sien! Des palmes d’olivier ont été déposées. À l’entrée de la ville, se trouvent un palmier avec ses dattes et un comité d’accueil comprenant des prêtres juifs et une femme, qui semble nous regarder. Qui est-elle?
  1. Giotto di Bondone, fresque, 1305, Chapelle des Scrovegni, Padoue, Italie. Cette scène fait partie des 53 fresques, dont 23 sur la vie du Christ, que Giotto et ses assistants ont réalisées à Padoue. Avec ses personnages expressifs, dans une approche innovatrice, cet ensemble est considéré comme une œuvre majeure dans l’art occidental. Jésus s’avance, chevauchant l’âne et bénissant; ses disciples sont derrière lui; on entrevoit un ânon. Un enfant dépose un vêtement alors qu’un autre enlève le sien pour faire de même. Un groupe d’hommes et de femmes reçoivent Jésus à la porte de la ville. Ici, on voit plusieurs oliviers avec deux jeunes qui y sont installés, l’un enlevant des branches. L’âne semble souriant.
  1. Duccio di Buoninsegna, 1308-11, Maesta, National Gallery, Londres, Angleterre. Cette scène faisait partie de la Majesta, célèbre retable qui est surtout au Duomo de Sienne. Le siennois Duccio s’inscrit à la fois dans l’art byzantin et la nouveauté de Giotto. On retrouve ici des éléments des Entrées précédentes: les enfants, les manteaux et les palmes, Jésus et ses disciples, les gens dans les arbres. Mais l’œuvre est faite en hauteur, la foule est beaucoup plus nombreuse, la ville est plus développée, et on voit bien l’ânon avec l’âne. En bas, à droite, une porte est ouverte …
  1. Anthony van Dyck, 1617, Indianapolis Museum of Art, États-Unis. Cet artiste d’Anvers a travaillé en Italie, aux Pays-Bas et en Angleterre. Il fut un portraitiste très réputé. Ici, c’est une œuvre de jeunesse, faite à 18 ans, alors qu’il était assistant de Rubens, dont on sent l’influence. Mais c’est déjà précis et animé; les couleurs sont vives et les corps vigoureux. L’accent est mis sur Jésus et ses disciples plus que sur la foule et la ville. Le Christ en bleu et rouge, pieds-nus, couvre l’âne. Un homme porte une branche, un autre dépose un vêtement; un palmier se voit à l’arrière. Quelle sera la suite?
  1. Jean Hyppolite Flandrin, fresque, 1842-46, église Saint-Germain-des-Prés, Paris, France. Ce peintre originaire de Lyon a été formé par Ingres à Paris et a séjourné à Rome. Ses œuvres, de style néo-classique, comprennent des sujets historiques et religieux et des portraits. En plus des 20 fresques dans la nef de l’église, combinant l’Ancien et le Nouveau Testament, il a fait celles dans le chœur et le sanctuaire, dont celle-ci, du côté nord. Dans une longue procession, Jésus avance sur l’âne, accompagné de l’ânon, suivi de ses disciples, rameaux en mains, à travers la foule qui s’approche et l’accueille, mais sans exubérance. Un enfant est élevé en l’air. Tout se passe avec retenue, personne ne sourit. Chacun tient sa place dans cet ensemble qui défile devant les édifices de la ville, tout en blanc.
  1. James Tissot, c.1886-1894, Brooklyn Museum, États-Unis. Ce peintre français, familier de la Terre Sainte où il a vécu, porte attention à l’environnement et aux interactions entre les personnages. En contraste avec l’œuvre précédente, voici une procession plus festive. Les enfants à l’avant, aux expressions diverses, mènent la marche de la fête. La foule, de chaque côté d’une rue étroite, acclame Jésus. Celui-ci, en blanc comme plusieurs dans la foule, est précédé d’un guide tenant l’âne et suivi de ses disciples. Que la fête commence!
  1. Harry Anderson, c.1960-1970, Church History Museum, Salt Lake City, États-Unis. Les scènes évangéliques de cet artiste originaire de Chicago, membre de l’Église Adventiste du 7e Jour, sont appréciées pour leur style réaliste et vivant. Il a aussi fait plusieurs œuvres pour l’Église de Jésus-Christ des Saints-des-Derniers-Jours (Mormons). Nous avons ici un gros plan. Pierre mène l’âne blanc, sur lequel Jésus en blanc est assis, calme et attentif. L’enfant à gauche annonce l’événement avec joie. Les disciples échangent à l’arrière. Des femmes en bleu à l’avant étendent sur le sol des tissus jaunes et rouges. Des gens sourient et applaudissent. Au fond, des rameaux et un arche : la porte d’entrée de la ville a été franchie.
  1. Richard Serrin, 1974, St. Andrew’s Chapel, Sanford, Floride, États-Unis. Ce peintre de l’Illinois, marqué par la Renaissance, a conjugué classicisme et contemporanéité avec originalité. Il a vécu longtemps à Florence. Il est décédé en 2022. Dans cette église presbytérienne, cette œuvre fait partie d’une série de six peintures sur la Passion. Jésus, costaud aux pieds nus, simplement vêtu de bleu, est concentré vers l’intérieur. Le noir traverse la scène : à droite, un handicapé; au centre, l’âne; et à gauche, Judas, bourse à la ceinture, qui ne regarde pas Jésus mais vers l’extérieur. Pendant que des gens chantent et dansent au son des tambourins. Voici une scène contrastée.
  1. Yu Jiade, encre et eau, 1996, dans Jesus the Son of Man: Selected Paintings by Yu Jiade, China Christian Council. Ce peintre et calligraphe de Shangaï est un artiste chrétien actif et important. Il a été lié au Amity Christian Art Center, fondé à Nanjing en 1993 pour soutenir le développement d’un art chrétien chinois. Jésus, rayonnant de lumière, en rouge et blanc, est assis de côté sur l’âne noir, que quelqu’un tire vers l’avant. La foule le serre de près. Des rameaux sont étendus. On voit le porche de l’entrée de la ville.
  1. Liz Lemon Swindle, 21e siècle, site lizlemonswindle.com, États-Unis. Cette artiste du Utah, déjà présente dans cette chronique (lépreux, Samaritaine, femme sauvée) est attentive aux personnes et sensible à leur humanité. Ses œuvres savent exprimer et toucher. Jésus, en blanc et bleu, regardant autour, est assis de côté sur l’âne qu’un disciple tient. Le blanc domine dans la foule, paisible et joyeuse. Plusieurs enfants sont présents. Des rameaux à l’avant et à l’arrière donnent le ton de la fête. Je suis quelque part dans cette foule : je me réjouis et je m’étonne …

Daniel Cadrin, o.p.


Dessin à tracer et à colorier

Une tracé inspiré de peintures de Giotto et de Lorenzetti

Cliquer sur l’image pour l’agrandir et la sauvegarder!


Laisser un commentaire