Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers de la guérison des dix lépreux!
UN LÉPREUX QUI SUPPLIE ET REND GRÂCE : Luc 17, 11-19
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc – Chapitre 17
11 Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée.
12 Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance
13 et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. »
14 A cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.
15 L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix.
16 Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain.
17 Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ?
18 Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! »
19 Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
Commentaire de l’Évangile
Par Daniel Cadrin, o.p.
Ici, des gens viennent vers lui, mais ils gardent leur distance. Ce qu’ils donnent à voir, c’est leur voix, faisant appel à la compassion. Jésus les entend et il les voit. Ces gens viennent du bout du monde, d’un lieu d’exclusion qui est total. Car ils sont lépreux et considérés, à cette époque, comme tout-à-fait impurs. Ils sont rejetés hors de tout cercle social et religieux, dans la marge radicale. Mais Jésus les voit autrement. Et sa parole non seulement les guérit mais les réintègre dans la communauté de l’échange social et cultuel (17,14).
Leur guérison n’est pas venue seulement de cette parole. Comme d’autres personnes dans les évangiles, ils se sont mis en marche, ils se sont approchés de Jésus, et ils ont supplié, disant la vérité de leur condition et de leur détresse, avec un espoir en leur coeur. Leur appel s’adresse à Jésus, Maître : ils emploient son nom propre, ce qui est rare dans les évangiles; le larron, aussi en Luc (23,42), fera de même. Une première rencontre a ainsi lieu, qui se termine par une transformation, advenant sur la route, là où elle a commencé.
Le récit aurait pu s’arrêter là, mais voici qu’il rebondit! Un des lépreux s’approche maintenant plus près de Jésus. Et sa voix rend grâce; elle est passée de la supplication à la louange, bouclant ainsi le trajet de toute prière croyante. Ta foi t’a sauvé, lui dit Jésus, cette foi d’abord exprimée par un cri d’appel et maintenant par l’action de grâces. La rencontre entre cet homme et Jésus va plus loin que la première. Or, cet homme, lépreux purifié, était à double distance de Jésus, car en plus il est Samaritain. Mais c’est lui, l’étranger, qui accomplit tout le parcours de l’expérience croyante. Sa rencontre de Jésus n’est pas seulement utile, par la transformation qu’elle opère en lui, par la dignité qu’elle lui redonne. Elle le fait aussi entrer dans le monde de la gratuité, de la reconnaissance joyeuse pour le don. Cet homme est comme un ressuscité, il s’est prosterné et il va se relever. Et la rencontre se termine aussi sur la route, où Jésus l’appelle à marcher : Va.
Sur nos routes, nous pouvons nous reconnaître en ces lépreux qui osent sortir de leur marge et faire entendre leur voix, qui prennent le risque d’espérer et ainsi retrouvent leur dignité. Ou encore, nous pouvons nous identifier à ce Samaritain qui a fait un pas de plus, qui est revenu sur ses pas. Non seulement il est guéri, mais il voit qu’il est guéri. Il a pris conscience de ce qui lui arrivait. C’est ce retour réflexif sur son expérience qui le fait aller plus loin dans la foi et le rend capable d’action de grâces. Il ne s’en tient pas à l’immédiat de l’événement, mais en saisit la portée et le sens plus profond.
Cet homme devient ainsi pour nous une figure inspirante, nous appelant à interrompre notre course pour comprendre les changements qui nous arrivent. Quel parcours ai-je accompli? Comment le comprendre? Quelle source de vie a entendu mon cri et a défait les liens qui m’enfermaient dans l’isolement ou le mépris? Et alors peut-être deviendrons-nous capables, un peu plus, à notre tour, de glorifier le Dieu vivant, à pleine voix.
Sur cette route vers Jérusalem, une autre voie de sens est aussi offerte : celle de nous reconnaître en Jésus, l’homme des rencontres. Tant de cris se donnent à entendre, venant de visages que nous ne voyons pas, car ils sont écrits en marge de nos feuilles de route, à peine lisibles. Si nous les laissions s’approcher un peu de nous, au lieu de les fuir, peut-être oserions-nous les voir, reconnaître leur existence, et leur communiquer une parole qui encourage, qui relève, qui recrée le lien social. Et nous pourrions alors rencontrer des témoins de foi impressionnants, en ces visages étrangers dont, spontanément, nous nous serions tenus éloignés. C’est là la grâce des routes et des rencontres. Voici qu’en l’autre, dont nous nous sommes méfiés, de qui nous étions séparés par toutes sortes de barrières, nous découvrons une personne unique et touchante, qui porte une histoire profonde et sait y reconnaître la présence transformante du Dieu vivant.
Sur nos routes remplies d’obstacles et d’inattendus, dans notre marche de pèlerins, des rencontres nous attendent, si nous osons voir, et écouter, et parler. En quoi je me reconnais (ou je reconnais des gens, des groupes) dans les lépreux? dans le lépreux Samaritain? en Jésus, l’homme des rencontres? Ce récit nous fait entendre un appel, à court ou à plus long terme, à demander et à louer, à nous relever et à aller. Je pourrais peut-être commencer par la demande …
Images
Ce récit a été mis en images aux diverses époques de l’art chrétien. Il est visuellement intéressant car il met en scène Jésus et dix lépreux, dont la condition est transformée; et l’un d’eux ressort du groupe. Le choix des figures et postures à montrer dépend du moment du récit qui est retenu : la supplication par le groupe, la parole de Jésus et l’envoi, la prise de conscience et la louange du Samaritain, sa rencontre avec Jésus, le questionnement de celui-ci et l’envoi final.
Les lépreux sont présentés dans leur condition physique et sociale par divers attributs : des marques sur le corps, un habillement particulier, des bandages, des bâtons et béquilles, … Jésus est solennel, manifestant son autorité et sa puissance de guérison. Il est fréquent que des disciples soient présents : en Luc, avant ce texte, ils accompagnaient Jésus.
La scène se passe alors que Jésus, faisant route vers Jérusalem, se trouve à l’entrée d’un village. L’accent peut être mis sur la route comme telle et un environnement naturel; ou des éléments architecturaux peuvent indiquer la proximité du village.
Du Moyen Âge au 21e siècle, voici des œuvres dont les modalités et les styles varient.
- Miniature, c.1020-1030, Codex Aureus Epternacensis, Musée National Germanique, Nuremberg, Allemagne. Ce manuscrit enluminé, écrit avec des lettres d’or, d’où son nom, a été réalisé par le scriptorium de l’Abbaye d’Echternach, ville aujourd’hui au Luxembourg. Les deux scènes sont présentées : celle avec les dix lépreux et celle avec le Samaritain ; c’est d’ailleurs écrit ! Jésus, imberbe et nimbé, selon l’usage antique, a la même posture dans les deux scènes, bénissant de la main droite ; sauf que sa main gauche tient le rouleau de la Parole dans la première. Pierre, l’air perplexe, est avec lui. À gauche, les lépreux, qui ont des taches sur tout le corps, supplient Jésus. À droite, ils sont guéris et s’en vont, alors que le Samaritain est aux pieds de Jésus en lui rendant grâces, comme l’indique le texte. Les murs et tours évoquent l’entrée du village.
- Mosaïque, fin du 12e siècle, Cathédrale de l’Assomption, Monreale, Sicile, Italie. Cette église est remplie de mosaïques de style byzantin, dont un cycle de la vie du Christ. Celle-ci est située sur l’aile latérale nord. Jésus est le Maitre, le Pantocrator, qui a la puissance de guérir ces lépreux qui l’implorent. Il tient dans sa main gauche un rouleau de la Parole. Les quatre disciples derrière Jésus, dont Pierre, n’ont pas l’air très enthousiastes! Là aussi, le corps des lépreux est couvert de taches. L’inscription, en latin, reprend des phrases de l’évangile. Les éléments architecturaux réfèrent au village. Au sol, quelques fleurs disant la vie et l’espérance.
- Fresque, 13e siècle, coupole, Baptistère de Parme, Émilie-Romagne, Italie. Ce baptistère de forme octogonale a été commencé à la fin du 12e siècle par l’architecte Benedetto Antelami; il témoigne du passage du roman au gothique. Cette fresque, comme plusieurs autres de la coupole, est attribuée à Grisopolo, un peintre originaire de Parme. À gauche, deux disciples qui nous regardent. Au centre, un Christ majestueux qui lui aussi nous regarde. À droite, des lépreux plus variés dans leurs âges et positions; et il y a une femme avec un enfant sur son épaule. Maison et arbre nous situent dans le lieu.
- Fresque, 14e siècle, Monastère de Decani, Kosovo. Ce monastère date de 1330 et relève de l’Église orthodoxe serbe. Le Kosovo, qui faisait partie de la Serbie, a déclaré son indépendance en 2008, mais elle est encore controversée. Nous retrouvons dans cette fresque plusieurs éléments déjà vus : les disciples à gauche, incluant Pierre, plus nombreux mais sur leur réserve; Jésus solennel qui bénit de la main droite et tient en main gauche le rouleau de la Parole; les lépreux tachetés et suppliant Jésus de leurs voix et mains; l’architecture évoquant l’entrée du village.
- James Tissot, c.1886-1895, Brooklyn Museum, États-Unis. Ce peintre français, qui a vécu en Terre Sainte, a mis en images les Évangiles avec une attention au contexte naturel et social. Le paysage montagneux, le village, les champs et les arbres, donnent un cadre plus large à cette scène. Les dix lépreux, bras tendus, font monter leur supplication vers Jésus. On les entend presque. Jésus, en blanc et recueilli, reçoit leurs appels. Des disciples sont derrière lui.
- William Hole, 1906, The Life of Jesus of Nazareth: Eighty Pictures, London, Eyre & Spottiswoode, Angleterre. Ce peintre et graveur écossais, du courant préraphaélite, a illustré la Bible. Il a voyagé en Terre Sainte et, comme Tissot, il est très attentif au paysage et aux gens. Ici, le village et l’environnement sont bien développés, traversés de lumière. Les lépreux guéris, à droite, s’en vont, réjouis de leur guérison. Mais au centre, on voit le Samaritain reconnaissant, agenouillé devant Jésus ; celui-ci, en blanc et très droit, tient sa main et le touche à l’épaule.
- Gebhard Fugel, c.1920, Musée diocésain de Freising, Allemagne. Ce peintre de Ravensburg, formé à Stuttgart, s’est installé à Munich en Bavière. Il fut influencé par le mouvement Nazaréen, un courant artistique et spirituel né en Allemagne au 19e siècle. Il a participé à la fondation de l’Association allemande pour l’art chrétien. À gauche, on voit le groupe des lépreux, en mouvement, bras tendus et couverts de bandages, suppliant Jésus. Celui-ci, en blanc, est imposant; quatre disciples marchent derrière lui. Route, champs et ciel offrent un cadre et des lignes, qui font ressortir les personnages.
- JesusMafa, c.1975, Collectif pour la catéchèse, Cameroun. Le contexte de ces scènes évangéliques est celui du peuple Mafa, au nord du Cameroun. Bénédicte de la Roncière, une artiste française qui a publié plusieurs albums, a réalisé les illustrations finales. Les lépreux guéris exultent, libérés de leurs béquilles et bandages. Le lépreux reconnaissant rayonne de joie, aux pieds de Jésus, en rouge. Le village est bien visible, avec les huttes et les enfants qui courent.
- James Christensen, 2002, site jameschristensenart.com, États-Unis. Originaire de Californie, il a vécu à Orem dans le Utah, où il est décédé en 2017 à 74 ans. Il fut illustrateur pour diverses revues et publications. Dans l’Église de Jésus-Christ des Saints-des-Derniers-Jours (Mormons), il était évêque d’une congrégation locale. On voit ici les neuf lépreux guéris en mouvement, tout joyeux ; leurs clochettes résonnent encore. À droite, en contraste, le Samaritain ne bouge pas. Il est en pleine prise de conscience de ce qui lui est arrivé; c’est le moment de la reconnaissance et il tourne son regard en direction de celui qui l’a guéri. Il n’y a aucun décor. Voici une œuvre forte.
- Liz Lemon Swindle, 21e siècle, site ldsart.com, États-Unis. Cette artiste, membre aussi de l’Église de Jésus-Christ des Saints-des-Derniers-Jours, peint des œuvres religieuses très expressives et touchantes, avec des figures qui ont beaucoup d’humanité. Ici, nous sommes vers la fin du récit. Jésus est au centre et le Samaritain à ses pieds ; Jésus prend sa main dans les siennes. Il lui demande : où sont les neuf autres ? Trois disciples regardent avec attention. Entre la scène de la rencontre à l’avant et les murs du village à l’arrière, des pierres, de l’herbe verte et des arbres.
- Bill Hoover, 2013, site billhooverart.com, États-Unis. Cet artiste d’Omaha, au Nebraska, utilise divers matériaux pour ses œuvres, dont certaines sont non-figuratives. Il porte intérêt aux récits et au symbolisme. Ici, à droite et bien droits, les neuf lépreux guéris. À gauche, le Samaritain est aux pieds de Jésus, qui est penché vers lui et le touche. Le village est évoqué, à gauche, par des édifices et une clôture, dans un paysage dépouillé. Les couleurs des lieux et des figures font alliance.
- Macha Chmakoff, 21e siècle, site chmakoff.com, France. Cette peintre et psychanalyste, de Lyon, formée en théologie, veut exprimer « le mystère de la Révélation ». Elle a plusieurs publications. Le titre de cette œuvre réfère à la fin du récit: Où sont les neuf autres? Nous entrevoyons les neuf lépreux guéris à gauche. À droite les disciples sont proches de Jésus. Au centre, sous un cercle, se trouvent Jésus debout et le Samaritain agenouillé : le jaune du vêtement de Jésus se retrouve sur le Samaritain. Beaucoup de lumière émerge de cette œuvre; laissons-la venir et s’approcher de nous …
Daniel Cadrin, o.p.
Dessin à tracer et à colorier
Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, librement inspiré d’une œuvre non identifiée trouvée sur la toile.

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