Rencontres avec Jésus – L’homme riche

Illustration librement inspirée d’une œuvre du peintre Heinrich Hofmann

Une nouvelle invitation à rencontrer Jésus, au travers du questionnement de l’homme riche!

UN HOMME RICHE, ATTACHANT MAIS ATTACHÉ : Marc 10, 17-31

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc – Chapitre 10

17 Jésus se mettait en route quand un homme accourut et, tombant à ses genoux, lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »

18 Jésus lui dit : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. 

19 Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. »

20 L’homme répondit : « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. »

21 Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. »

22 Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.

23 Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! »

24 Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus reprenant la parole leur dit : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu !

25 Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »

26 De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? »

27 Jésus les regarde et dit : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »

28 Pierre se mit à dire à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. »

29 Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre

30 sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle.

31 Beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers seront les premiers. »

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire de l’Évangile

Par Daniel Cadrin, o.p.

La figure du jeune homme riche est connue : c’est celui qui n’a pas répondu à l’appel de Jésus. Cela arrive. Cela nous est peut-être déjà arrivé! Voici une rencontre à la fois touchante et questionnante. En Marc (10,20), il s’agit d’un homme; en Matthieu (19,20), d’un jeune homme; en Luc (18,18), d’un notable. Mais dans les trois cas, il a de grands biens (Mc 10,22; Mt 19,22), il est très riche (Lc 18,22). Marc nous présente Jésus en dialogue avec l’homme, qui ne se met pas à sa suite; puis en dialogue avec ses disciples qui, eux, l’ont suivi mais se posent des questions. Dans les deux cas, le regard de Jésus est mentionné (v. 21 et 23).

Nous voyons cet homme arriver à Jésus en courant et se jeter à ses pieds. Voilà quelqu’un d’ardent et de décidé! Il est motivé : il veut savoir ce qu’il faut faire pour accéder à la vie éternelle. De plus, il a confiance en Jésus, qu’il appelle Bon Maître. Jésus lui répond en lui rappelant des éléments des dix Paroles qui touchent la relation à autrui de diverses manières. Tout cela, l’homme le fait déjà : c’est vraiment un bon gars! On comprend la réaction de Jésus : il regarde avec attention cet homme fidèle et attachant et il l’aime.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais elle continue. Car, en suivant Jésus, il s’agit d’aller plus loin, il ne suffit pas d’être un bon gars, de ne faire de tort à personne. Ni d’ailleurs d’être un pécheur. Jésus lui demande de faire un pas de plus, un engagement personnel à sa suite, i.e. de devenir un disciple. Et l’homme qui courait perd son élan. Il bloque. Il retourne en arrière et s’en va, triste. Pourquoi? Jésus a touché le point sensible, là où une libération était possible demandant un dépassement. Cet homme est riche; mais en plus, il est attaché d’abord à ses biens. Plus qu’à Jésus.

Notre vie est faite d’attachements et de détachements. Les deux sont liés. Pour cet homme, s’attacher à Jésus, y trouver son trésor, implique de se détacher des biens, qui par définition sont bons. Dans la Bible, les biens sont tellement bons qu’ils sont faits pour être partagés, particulièrement avec ceux dans le besoin, les plus pauvres. Il semble que, pour cet homme, ses biens étaient devenus des idoles, le séparant de Dieu et des autres. Il manque un tournant de sa vie, d’où sa tristesse.

Cette rencontre porte à réflexion. Jésus lui-même fait une observation sur l’entrée dans le Royaume et sa difficulté. Celui-ci, fait de miséricorde, de paix et de justice, appelle à un retournement, à un décentrement, pour se tourner vers l’essentiel, de façon risquée. Sur ce chemin à la suite de Jésus, les richesses risquent d’alourdir et de bloquer. Dans cet échange, les disciples sont étonnés, stupéfaits! Pour eux, et c’est la même mentalité d’hier à aujourd’hui, la réussite matérielle est un signe que Dieu nous bénit. Alors comment Jésus peut-il se montrer si exigeant? Ils sont confus.

Jésus voit les choses autrement. Il voit le cœur des humains de l’intérieur, leur fermeture et leur attachement aux moyens plutôt qu’au but, et en même temps leur capacité d’ouverture et toutes ses possibilités. Et les réactions des disciples lui permettent d’élargir l’horizon. Le salut, le Royaume, n’est pas acquis seulement au bout de nos efforts, juste par nous-mêmes. Il est un don de Dieu pour qui tout est possible. Un don qui peut toucher le cœur humain et le transformer quand il accueille, quand il prend le risque de s’ouvrir à plus grand. Parce que Dieu est bon, comme le disait Jésus au début de cet évangile (v.18).

Et la preuve est là : ces disciples qui ont tout laissé pour suivre Jésus, malgré les attachements de toutes sortes qui les retenaient. Ils ont fait ce détachement non en soi, mais à cause de Jésus et de l’Évangile, à cause d’un attachement qui venait les chercher plus profondément, radicalement, avec tout leur être. Et il semble bien que cela valait la peine. Peut-être que l’homme riche a poursuivi sa quête, ou qu’il la poursuit encore, autour de nous et en nous. Quand je regarde mon parcours, quels attachements et quels détachements ont marqué ma marche à la suite de Jésus? Et actuellement, dans cette marche, qu’est-ce qui m’alourdit et qu’est-ce qui me donne des ailes?

Images

On peut trouver des images de ce récit en différentes époques et cultures mais il n’y a pas abondance. Comme pour Nicodème, il s’agit d’une expérience personnelle plus intérieure, d’une quête de sens, pour l’homme appelé. Il y a peu d’action, sauf son arrivée et son départ. Il va susciter plus d’intérêt dans la période moderne, attentive aux réactions et sentiments des individus. En même temps, il y a quelques chose d’universel dans les hésitations et ambiguïtés de cet homme riche.

Jésus peut être accompagné de ses disciples ou seul avec l’homme. L’âge de celui-ci peut varier : parfois clairement jeune ou d’âge moyen. Il est habituellement très bien vêtu, pour indiquer sa richesse. Son visage est souvent expressif, disant ses attitudes, selon aussi le moment du récit qui est mis de l’avant : l’arrivée, la rencontre et ses échanges, le départ, puis la discussion de Jésus avec les disciples. Jésus, attentif et assez solennel, est debout, quelquefois assis. Il regarde l’homme, ses mains sont en mouvement. Le cadre de la rencontre est fréquemment sur la route, dans la nature.

Voici quelques oeuvres surtout récentes.

  1. Miniature, 11e siècle, Évangéliaire arménien du roi Gagik de Kars, MS 2556, Patriarcat arménien de Jérusalem, Israël. Ce manuscrit, qui a eu beaucoup d’influence, contenait de très nombreuses miniatures de la vie du Christ, dont il ne reste aujourd’hui que quelques unes. Il est influencé par l’art arabe. Jésus et l’homme sont seuls dans un cadre naturel. Le Christ nimbé est assis sur un rocher. Tenant de la main gauche un rouleau de la Parole, il s’adresse à l’homme, main droite vers lui. Celui-ci est attentif et en interaction. Leurs vêtements sont élaborés. Nous sommes au moment de l’appel et du dialogue.
  1. Illustration, 1879, Catholic University of Peking (Beijing), Chine. Voici une œuvre du 19e siècle dont l’auteur est inconnu mais montrant une inculturation du récit en contexte chinois : les figures, le cadre, les vêtements, le tout fait avec beaucoup de finesse. Jésus est avec quelques disciples. Le jeune homme se détourne de Jésus dont il va s’éloigner.
  1. James Tissot, c.1886-1895, Brooklyn Museum, États-Unis. L’artiste français, selon son usage, est très attentif à l’environnement naturel et social. Jésus et les disciples sont sur la route, dans un vaste paysage, avec le lac et les villages au loin. L’homme s’éloigne, comme s’il avait fait son choix de ne pas suivre Jésus. Mais il hésite encore, il réfléchit et ne court pas comme au début du récit. Son humanité, en quête mais bloquée, se donne à voir.
  1. Heinrich Hofmann, 1889, Riverside Church, New York, États-Unis. Ce peintre allemand (à ne pas confondre avec Heinrich Hoffmann) a été formé à Darmstadt et Düsseldorf; il a beaucoup voyagé aux Pays-Bas, en France et en Italie. Il a fait plusieurs portraits et, de plus en plus, des œuvres religieuses. Celles de la vie du Christ demeurent très populaires. Celle-ci sur le jeune homme riche est la plus utilisée pour parler de ce récit. La scène se passe sur la terrasse d’une maison. Jésus et l’élégant jeune homme, baignant dans la lumière, sont en discussion; Jésus explique mais le jeune homme est en réflexion, hésitant, comme ses attitudes corporelles l’indiquent. Il semble déjà triste. À gauche, Pierre et Jean (?) sont présents.
  1. Harold Copping, c.1920, Copping Bible Pictures, The Crown Series, Angleterre. Cet artiste britannique est un des plus célèbres illustrateurs de la Bible au 20e siècle. Ses œuvres continuent d’être utilisées par les différentes Églises. Les personnages sont de face, donnant une intensité à la scène. Jésus est avec ses disciples dans un cadre rural. L’appel a été lancé. Le jeune homme est dans la période difficile du choix. Et nous avec lui. Que va-t-il faire? Il a l’air plus jeune que dans les autres oeuvres.
  1. Soeur Mercedes, 21e siècle, retable, Chapelle diocésaine de Bayonne, France. Cette œuvre se trouve dans le pays basque. L’artiste est une moniale bénédictine, dont nous avons déjà vu un bas-relief à la chronique sur Zachée. Jésus, très nimbé, est assis et entouré d’enfants. Il regarde et touche le jeune homme, équipé pour la route, avec son sac et sa cape.
  1. Michael Belk, photographie, 2009, Journeys with the Messiah, États-Unis. Ce photographe de mode, natif de la Floride, a travaillé avec les plus grandes maisons. À la suite d’un temps de crise et d’une expérience transformante, il a choisi d’annoncer le Christ par son art. Des scènes des évangiles sont montrées dans un contexte actuel. Ici, le jeune homme riche est avec des ami-e-s, dans son auto de luxe. Jésus l’interpelle. Le paysage est celui de la côte italienne. L’effet est saisissant.
  1. Andrei Mironov, 2010, site artmiro.ru, Collection privée, Russie. Ce peintre russe, ancien militaire et iconographe, est apparu quelques fois dans les chroniques. Comme dans ses autres œuvres, ses personnages sont bien campés. Ils sont proches les uns des autres, dans un jeu d’ombre et de lumière. Le jeune homme est en réflexion, un doigt à la bouche; il porte des vêtements de grand prix. Jésus est au centre. Pierre interroge Jésus. Les deux scènes (dialogues) du récit sont incluses.
  1. Katherine Sanders, icône, 2015, site orthodoxartsjournal.org, États-Unis. Cette iconographe écossaise, vivant à Édimbourg, est membre de l’Église grecque orthodoxe. Elle a aussi un doctorat en études religieuses (la mythologie syrienne de l’Age de bronze). Il y a seulement Jésus et le jeune homme. Le Christ, nimbé et solennel, se tient debout. Le jeune homme est richement vêtu, avec des perles à son manteau vermillon, et il porte une couronne de saphirs. À ses pieds, un serpent et un scorpion; près de Jésus, une chute d’eau vive. Ces éléments réfèrent à un texte biblique : Deutéronome 8, 11-2. Moise avertit le peuple, centré sur ses biens et richesses, de ne pas oublier le Seigneur et de se rappeler la traversée du désert, avec le danger des scorpions et serpents et le don de la manne et de l’eau vive. Comme elle l’a elle-même indiqué, le moment du récit écrit par l’iconographe est celui où Jésus regarda l’homme et l’aima…

Daniel Cadrin, o.p.


Dessin à tracer et à colorier

Ci-dessous un dessin simplifié à tracer et à colorier, librement inspiré d’une œuvre du peintre Heinrich Hofmann

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